Une permanente intimidation de la presse sous le règne de Joseph Kabila

Les assassinats de journalistes depuis quelques années au Congo-Kinshasa

La liberté d'expression et de la presse sont consignées dans la constitution de la république. Depuis toujours les régimes totalitaires qui ont sévi en République démocratique du Congo se sont évertués à contrôler ces deux libertés, les manipulant à leur guise jusqu'en faire des porte-voix de leurs exploits lugubres et cyniques qu'il fallait teinter  d'enjolivures. Sous le maréchal Mobutu, des journalistes firent les frais de leur objectivité dans l'exercice de leur travail de rendre compte de la manière dont le pays était géré dans sa dimension économique, politique, judiciaire et social. Pendant la conférence nationale, les états généraux de la presse ont fait un travail fouillé sur les entourloupettes dont ont été victimes les journalistes. Sous Kabila Joseph, bien que la situation de la presse semble libre avec la prolifération des maisons de presse, du reste non financées par une quelconque subvention de l'état, les atteintes sur le corps de la profession ne cessent de se multiplier. 
En 2005, pendant la transition à travers laquelle les différents protagonistes de la crise congolaise acceptent de faire partie d'un gouvernement d'union nationale dont le seul et unique but fut de conduire le pays aux élections afin de rétablir une légitimité au détenteur du pouvoir et mettre fin à la crise qui en a émané avec la guerre civile qu'elle avait entraînée. Vers la fin de l'année au mois de novembre, une nouvelle triste comme un couperet endeuille la famille de la presse avec l'odieux assassinat de Franck Ngyke (1)devant son domicile en compagnie de sa femme.
Une année plus tard, le journaliste français d'origine congolaise Bapuwa Mwamba est lui abattu à son domicile à Kinshasa par des inconnus non autrement identifiés(2). Comme dans une intimidation structurée pour faire taire les journalistes qui s'investissent dans l'exercice de leur profession dans la plus grande impartialité, une année passée, les tentacules de l'obscure menace vont encore frapper la famille de la presse au Congo-Kinshasa, avec l'assassinat à l'Est du pays du journaliste de la Radio Okapi Serge Maheshe: il a été abattu par des hommes armés non autrement identifiés dans la nuit du 13 juin 2007 dans la ville de Bukavu(3). Dans ce sinistre registre, il faudrait mettre aussi Didace Namujimbo qui avait été abattu presque dans les mêmes circonstances que Serge Maheshe dans la même ville de Bukavu(4). Chaque fois que se célèbre la journée de la presse dans le monde, leurs noms sont exhumés, les noms de tous ceux qui sont morts parce qu'ils ont fait leur travail d'informer et de s'informer afin que le peuple le soit autant. Les banderoles de la corporation souvent en ce jour portent les noms tels que Guylain Chanjabo, Patrick Kikuku, Patient Chebeya, Bruno Koko Chirimbiza, Kambale Musonia, la liste n'est pas exhaustive.

Des procès bidons d'une justice passive

Des procès ont été faits à des présumés assassins dans la plus grande légèreté qui caractérise le système judiciaire avec des juges dépourvus des moyens pour mener à bien des enquêtes approfondies et souvent inféoder à l'autorité politique du ministre de la justice. Lors du procès sur le meurtre de Didace Namujibo, quinze prévenus ont été arrêtés, l'un d'entre s'était évadé, et aucune précision n'a été faite quant à la quête en profondeur de la raison de cet assassinat que le ministère public a présenté comme un crime ordinaire, se contentant de faire passer aux aveux les prétendus assassins sur le fait et non sur les causes. Le procès de Serge Maheshe aussi a connu un dénouement assez flou, d'ailleurs dix ans après ce meurtre, l'union nationale de la presse au Congo a dénoncé le sabotage de ce procès en disant par la bouche de son président provincial du Sud-Kivu Daruis Kitoga: "Le procès de Serge Maheshe était bâclé. Il y a bon nombre de gens qui l'ont qualifié de parodie. Tout ce qui était indices et pistes qui devaient conduire à appréhender les assassins de Maheshe n'ont pas été suivis.", comme pour les précédents procès, la caractéristique principale de ces actions judiciaires a été une prévarication presque atavique du système.

Dernières menaces contre la liberté de la presse au Congo

Les meurtres de journalistes s'accompagnent souvent d'une demi mesure précédant ces crapuleux gestes que sont les menaces et les atteintes contre l'exercice libre de ces libertés. Nous épinglerons le cas d'incendie dont avaient été victime Canal Congo Tv et Canal Kin Tv en 2006, la fermeture des médias proches de l'opposition(5), l'emprisonnement des journalistes comme ce fut le cas avec le journaliste Patrick Palata(6)à qui l'on a reproché être impliqué dans un pseudo complot contre la république; mais aussi les intimidations comme celle qu'avait vécue le journaliste Tchèques Bukassa de la part des agents de la terrible agence nationale des renseignements(7).
Avec les troubles et les violations des droits de l'homme qui sévissent dans le Kasai-Oriental, les journalistes ont beaucoup de mal à faire leur travail parce que le pouvoir politique leur impose des restrictions, c'est ainsi que déjà quatre d'entre eux ont subi de sérieuses menaces en février 2017 pour les contraindre de ne point rendre public ce qui se passe dans cette partie de la république d'après un article de Reporters sans Frontières(8).

Récent incident contre la presse

Hier, le 28 août 2017, le journaliste de Kasai Horizons en la personne Edouard Diyi Tshitenge organisait une réunion de restitution de ce qui s'est passé à Paris lorsque plusieurs associations de la société civile se sont retrouvées, pour mettre en place des stratégies afin de bloquer la route au président Kabila de sorte qu'il ne puisse pas se présenter pour un troisième mandat afin que triomphe la logique constitutionnelle. Cette action citoyenne n'a pas plu au général Assumani, qui est commandant de la zone des opérations au Kasai en guerre, qui, en vertu de je ne sais quelle loi ou règlement, en avait interdit la diffusion pour des raisons sécuritaires d'après ce qui est rapporté par plusieurs sources. Énervé par l'initiative prise par le journaliste, qui vaut une transgression de ses ordres, le général s'amène avec quelques uns de ses hommes armés jusqu'aux dents pour arrêter le journaliste car il estimait que le journaliste voulait appeler la population à l'insurrection. Il s'en suivra une course poursuite à pieds entre les militaires et le journaliste qui trouvera refuge dans les locaux de la mission des Nations-Unies à Kananga, et estimant d'une absolue nécessité qu'il devait l’arrêter, le généralissime va violer l'immunité diplomatique de ce siège manu militari. Il en découlera une longue altercation et une fin de non recevoir de la part des autorités de cette mission qui ont refusé de lui livrer le journaliste.
Qui a dit qu'au Congo l'armée était apolitique? Cet incident démontre combien la démocratie tant vantée dans le pays n'est qu'un apparat, rien n'est vrai, sinon dans l'esprit des textes, la réalité n'est que pouvoir pour le pouvoir au profit d'une bande d'écervelés. Le peuple au diable!




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