La critique historique au service de l'indignation pour faire sens à la revendication

Tout devrait être insurrection dans ce pays, devant la totale misère dont souffre le peuple, devant le fossé abyssal dans lequel se noie le destin commun, rien ne devrait passer sous notre indifférence au risque que nous soyons tous, sans exception, quelque part complices, dans un certain laxisme, devant les maux dont souffre depuis belle lurette notre pays.Dans une prise de conscience collective où chacun reconnait la décrépitude, devant l'urgence d'agir, une précipitation s'illumine dans chaque esprit afin de prêcher une thérapie idoine pour redonner au pays et à ses habitants une certaine dignité dont ils ont besoin afin d'inscrire pleinement le destin collectif dans la prophétie de Fanon.

S'il faut dénoncer le mal, point de demi-mesure, car l'histoire récente de ce pays est marquée par des hauts-faits de trahison et de prévarication dont les coupables sont connus de tous, d’ailleurs ces derniers sont les moralisateurs d'aujourd'hui alors que le désastre qui sévit actuellement n'est que le fruit de leur irresponsabilité et de leur irrationalité. La longue période de leur présence au pouvoir a sécrété une logique permissive de l'action politique dont le schéma semble être une répétition qui se perpétue bien au-delà de leur éviction du paysage politique. De la science politique, les hommes politiques congolais n'en reproduisent que les tares non pas pour posséder le pouvoir et en user dans un souci de promouvoir un collectivisme du bien-être social, mais pour s'embourgeoiser dans la kleptomanie, constituant ainsi ce que Tibor Mende appelait "La bourgeoisie comprador", une classe des jouisseurs qui privatise l'état à des fins de jouissance.

Devant les amplitudes sans cesse croissantes de ces maux qui inconfortent plus d'une conscience de nos compatriotes, le mécontentement est devenu populaire, avec des jugements expéditifs comme lors des inquisitions en Europe, des ayatollahs du patriotisme ont vu le jour, il suffit d'une fatwa de leur part pour se retrouver au bûcher ou perché sur une potence, avec comme acte d'accusation, la félonie à la patrie.

Mais dans un pays aussi corrompu que le nôtre, qui peut dire n'avoir jamais bénéficié de près ou de loin de cette aporie qui nous ronge la veine d'un pays se réclamant une république, qui peut dire que dans sa famille, il n'y a personne que l'on pourrait aussi mettre sur l'échafaud et pendre pour avoir, un tant soit peu, nui aux intérêts supérieurs de la nation, parce que, dans un navire qui coule comme c'est le cas pour notre pays, chacun pense d'abord à sauver sa peau. Qui peut prétendre que sa tribu ou ethnie n'a jamais participé au partage du gâteau national avec sa logique fourbe de la géopolitique? Qui peut prétendre n'avoir jamais usé des subterfuges pour contourner les lois lorsqu'une situation semblait lui être défavorable? L'instinct de corruption, de recourir à autre chose que la norme dans ce paysage singulier est une aptitude de survie chez nous, il habite notre subconscient. Ce qui fait que, quelque part , nous sommes tous coupables d'une manière ou d'une autre de ce dont souffre le Congo.

Oui pour l'insurrection, oui pour l'indignation, mais ne le faisons pas qu'à moitié, et circonstanciellement, cet état d'esprit devrait être permanent, devant les violences physiques et psychologiques qu'inflige au peuple la faillite d'un état que tous promettent de réhabiliter alors tout porte à croire qu'il ne cesse de péricliter, au point de rendre nos espoirs chimériques, surtout avec ces promesses que nous entendons, que nous entendions, que nous avions entendu depuis des lustres, inséminées autour du mot magique qu'est le développement.
Ce que je crains c'est la spirale de la fatuité et de la vacuité comme cela est devenu la mode dans les démocraties dites africaines, avec des opposants éternels valsant entre compromission et consensus au nom d'une factice réconciliation nationale, se faisant plein les poches et, de temps en temps, divorçant avec les tenanciers de ce pouvoir inique qu'ils ont combattu et dénoncé jusqu'au prix du sang de leurs militants, pour faire monter les enchères de leur prochaine trahison avec un peuple, dont on sait dire s'il est naïf ou conscient alors que c'est lui à la fin le dindon de cette farce. Ce que je crains aussi c'est la multiplicité de voix de la société civile qui ajoute un peu plus d'imbroglio quant à la définition de l'essentiel et de l'accessoire contre lequel il y a nécessité de mobiliser les énergies.

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