Recroquevillé dans l'entaille qui me saigne, dans ce sang où je baigne, je ne rêve point de vengeance, je me laisse l'abandon m'absorber, avaler l'être que je suis et sa douleur. Je ne renfrogne pas le visage, je souris pour qu'émerge son charme comme un paysage ébloui par la magnanimité du soleil à l'été. Le poète ne souffre pas quand les humains, avec leur traitrise millénaire, le prennent pour cible derrière leurs feintes de sincérité. Il transcende les maux que lui déversent les âmes perfides, car il se sanctifie dans son esprit de la douleur que porte sa chair et se tient devant l'humanité pour dire des aphorismes depuis sa langue à béatifier. 


Le poète n'est pas une victime collatérale de ce monde des brutes et des bruits, il est celui qui en préserve l'âme et l'innocence. Il est la véracité initiale que rien ne sait corrompre, il est le verbe qui lessive les esprits, car il plonge dans la quintessence de mots pour peindre l'essentiel inaccessible aux yeux, pour ceindre la beauté mature que féconde le temps dans tout ce qui existe, et son silence est une transe d'où jaillissent à la fois la pertinence et l'efficience de ce peuvent être les paroles d'un sage, loin du tintamarre de casseroles d'un fou qui croit avoir acquis toute la sagesse et l'intelligence du monde. 


Le poète, c'est l'humilité dans la force qu'engendre la conscience assimilée de ce que l'on peut tirer de sa faiblesse. Il mûrit dans l'apogée des quolibets que lui lancent ceux qui sont convaincus d'incarner, sans le moindre doute, l'inévitable exemple à suivre pour se réaliser dans la condition humaine, ceux qui sont les premiers à pointer du doigt les défauts d'autrui et mener d'absurdes campagnes pour le souiller afin de noyer son étoile dans l'obscurité absolue du déshonneur. 


Le poète avale l'insulte, non pour souffrir et mourir de sa belle mort, mais pour nourrir sa faiblesse qui résiste à tout. À tout ce qui peut nuire et détruire. Il en sort grand dans le silence et sa plume devient prolixe pour conjuguer la multiplicité de facettes qui révèlent la nature humaine.

Commentaires

Articles les plus consultés