Rien ni personne ne peut arrêter l'inspiration d'un homme qui se sent libre...

Ils ne sont que quatre à Goma. Quatre dans une république de deux millions trois quarante cinq mille kilomètres carrés à avoir osé le deuil devant des décès devenus anodins. Des décès que nous inventorions dans nos discours proches et lointains pour indexer toute la cruauté démocratique avec laquelle la patrie congolaise est gérée. Ils ne sont que quatre, comme aux temps anciens en Judée, à avoir déchiré leurs vêtements et investi la rue pour exposer toute la peine incrustée dans leurs cœurs devant les odieux assassinats que le pouvoir de Kinshasa perpétue sur le peuple au nom duquel, avec un culot dévergondé, il prétend parler.
Les mères et les enfants crient toute la douleur de perdre les leurs, enterrés comme de la viande faisandée dans des fosses communes, à Kinshasa, pendant que les proches du président encensent les prouesses immondes de leur régime criminel qui hypothèque l'avenir, jusqu'à mettre en danger l'unité du pays. Dans ce pays, chanté à tort comme une démocratie, bientôt verser une larme pour expier son chagrin devant la mort inopinée d'un proche qui ne faisait que revendiquer ses droits deviendra un délit, s'il ne l'est pas déjà, un geste troublant l'ordre chaotique que ces excellences, comme ils aiment bien se faire appeler, conçoivent depuis leurs bureaux climatisés ou encore derrière les glaces teintées de leurs jeeps tout terrain imbues de fraîcheur, derrière lesquelles ils se cachent dans leur opulence sordide valant toute l'insulte qu'ils font à la pauvreté de la population.

Au kasai comme au Kivu, une soldatesque censée protéger le peuple, s'elle n'en est pas incapable, tel est le cas dans les Kivus, il le trucide au nom de la paix, massacrant, tuant et violant avec la bénédiction de l'état et de tous ses addenda qui se sucent les doigts comme des vampires ivres de sang pour dépecer le trésor public et se garantir une retraite dorée quand explosera la déflagration de l'anarchie complète qu'ils sèment dans les entrailles de ce beau territoire pour lequel d'illustres personnages s'étaient sacrifiés afin que l'indépendance lui fut concédée.

Ce 30 juin 2017 est une date de méditation, je méditerai sur la bravoure dont ont fait preuve Benoit Mugabo, Precy Numbi, Benoit Mupenzi et Taylor Cruzz. Une bravoure à travers laquelle ils ont mis à nu cette lourde peine que porte le peuple sans pouvoir l'extirper, cette hantise sur les lendemains qu'il ne sait confesser devant la prépotence de canons qui cerne de part en part la liberté d'expression, maintenue sous un silence écrasant derrière le prétexte d'un ordre public de plus en plus en évanescence. Le rêve ignoble est celui de penser qu'avec une violence d'état, il est possible de contingenter l'imagination, et de surcroît contrôler la parole, ainsi emprisonner non pas seulement les corps mais aussi les esprits, aligner les gens du peuple à la queue leu leu pour leur faire avaler la potion indigeste de leur gouvernance pleine d'opprobre et d'immondes crimes rien que pour des prébendes iniques.
Que retiendront les archives de la république de l'acte posé par Benoit Mugabo, Precy Numbi, Benoit Mupenzi et Taylor Cruzz à Goma rien que pour pleurer et communier avec les victimes congolaises de cette insécurité qui endeuillent nos familles, retiendront-ils la putride version d'un geste de subversion ou encore un geste patriotique d'une essence morale pure, un geste fondateur de l'esprit dont a besoin le congolais pour que plus jamais un groupe de politiciens ne se permette de marcher sur la beauté de leurs rêves de posséder le pays hérité de leurs aïeux?

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