Un enfant dans l'imbroglio de la couleur....
Les mots d’hier ayant construit l’ossature de son éducation
s’extirpaient des confins de souvenirs pour briser le silence apaisant de la
nuit, elle comprenait maintenant que le sort lui était dit à travers toutes les
remontrances et toutes les séances d’explications un peu saugrenues qu’elle
n’arrivait pas à bien saisir dans son enfance et dans son adolescence. La
pleine pupille, comme une toile, livrée à la lueur de la pleine lune qui y
avait peint toute sa splendeur, son éclat, elle voyait remonter à la surface de
sa conscience les prises de tête de sa mère, qui ne cessait de lui faire
comprendre, par une pédagogie inappropriée, le caractère singulier de son espèce
alors qu’elle ne se considérait pas plus que les autres enfants que sa mère lui
interdisait de fréquenter. Hormis ceux comme elle, issus d’une union métissée,
officielle ou non. D’ailleurs, sa mère, veillant au grain, la voulait saine,
pure, et surtout fragile puisqu’elle était convaincue que cela excitait les
hommes, lui disait aussi qu’en elle, il y avait ce privilège de la nature que
les autres ne pouvaient qu’envier, qui ferait d’elle la coqueluche de cette
cité, et aussi l’épouse d’un homme riche, dès sa majorité, car, la richesse
était sa destination finale, et pour y arriver, elle n’avait qu’à la suivre mot
à mot, mieux qu’elle, il n’y en avait pas, pour la guider à bon port si elle ne
voulait pas s’embourber dans les eaux de la pauvreté. La pauvreté, c’était ça
le spectre qu’elle lui brandissait pour la mettre au pas ; elle l’amenait
dans les rues escarpées des quartiers paumés, où sa présence suscitait une
curiosité qu’elle ne savait toujours pas comprendre, sur laquelle sa mère
insistait pour lui inculquer la notion de cette aura particulière qu’elle
drainerait, mais aussi, pour qu’elle se rendît compte de cette horrible
existence de ses propres yeux, qui était loin d’être une fable à laquelle, peut-être,
elle aurait eu du mal à croire.
Commentaires
Enregistrer un commentaire