Égratignures sur la vie...

Des égratignures rayent le climat paisible de tes aires, le désarroi a été sacré roi, l’anxiété étrangle l’existence dont les angles s’arrondissent dans les dantesques imaginations de son pouvoir maléfique, l’air devient méphitique, des boyaux en putréfaction sont livrés aux vautours, des charognards charcutent ce qui reste des carcasses de ceux dont la joie de vivre se répandait sur la vallée jusqu’ aux sommets de montagnes afin que les êtres en faction dans l’antre du silence et des béatitudes sachent que les hommes vivent, à côté de leur progéniture, avec qui ils ont essaimé des cultures sur les flancs de collines afin de pérenniser le futur qui, depuis, se couvre des brisures que des massues ignobles lui assènent matin, midi, soir dans une désinvolture brute que tous dénoncent et que personne ne sait arrêter.
Ma langue sèche, mes cordes vocales bien raides, plus rien ne sort de ma bouche, plus aucune sonorité n’est entendue, mais mes lèvres ne se fatiguent de gigoter, elles balbutient, mon visage ferme, plein de conviction porte une brillante étincelle de ma dignité que rien ne peut occulter, même pas la lancinante épreuve qui émacie la taille de ma bravoure, de plein fouet la bavure prémédité que draine ce pogrom me saigne, le désespoir s’impatiente de s’emparer de mon esprit afin d’y écrire son règne; dans mon cœur en ébullition, conquis par une extinguible rage, les apophtegmes refusent de s’éteindre, malgré l’adynamie de mon corps efflanqué, où aucune force ne semble survivre, mon regard confesse la splendeur et la fureur de mes mots que le silence vomit, trop bruyants et malsains pour être tus en son sein.
Je vous expulse l’essence faisandée qui pollue l’âme de ma terre, le Kivu, ma colère de poète dont l’ectoplasme communie avec les affres dont souffle le peuple, dont je suis issu.
Je suis Kivu.
Image: camps des déplacés de guerre au Nord-Kivu au Congo-Kinshasa.


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