L'équation de la violence au centre du Congo
Des guerres à répétition
dans un contexte d’illégitimité et d’inefficacité avec des politiques usurpant
le vocable peuple pour se vendre sur la place publique, se construire non pas
un crédit populaire, mais compter sur l’échiquier biaisé d’une scène politique
aux antidotes de ce que vaudrait une démocratie, un atypisme qui n’a produit qu’une
sorte de laideur et de puanteur dont se couvre le destin national depuis des
lustres.
Le Congo n’est pas à la
croisée des chemins, il est dans le gouffre de la médiocrité tous azimuts, dans
le précipice du fanatisme et du providentialisme ; des flibustiers de tous
bords y sont écoutés, les écorcheurs subitement convertis se déguisent en
prédicateurs de la bonne cause pour améliorer la misère exécrable du peuple,
pendant que le pays sombre, coule dans les abysses de l’insignifiance
dignitaire, loin du caractère sacré de ce que fut la bravoure de ces grandes
personnalités qui ont accepté de payer comptant leurs vies pour que la Belgique
lâche ce territoire afin que nous écrivions en toute liberté le choix que nous
voulons pour nos lendemains.
Hier, c’était une
guerre dite libération qui nous a débarrassés du Maréchal Mobutu après 32 ans
de tergiversations politiques qui ont relégué la nation parmi les pays les plus
pauvres de la planète, or, derrière cette guerre qui avait tant suscité d’espoirs
ne se cachait en fait qu’une nébuleuse de prospecteurs qui anticipait sur le
boom du colombo-tantalite pour avoir main basse sur cette matière indispensable
à la technologie actuelle au moindre coût et en faisant payer le prix cher aux
congolais par la promotion d’une insécurité cyclique dont le seul leitmotiv
serait l’accaparement des carrés miniers et la mise en pâture de jeunes désœuvrés
par le conflit armé pérenne à la solde de seigneurs de guerre à des fins
militaires ou d’exploitation des minerais.
Depuis l’Est du pays saigne,
des vies sont massacrées ; des crimes odieux que ne cessent d’être
répertoriés par les organismes de défense des droits de l’homme. Mais personne
n’est puni. Que des menus fretins sont dans les filets de la cour pénale
internationale, des gros poissons comme Kunda Batwaré1 sont peinards,
tranquilles dans une retraite dorée au Rwanda, et aucune institution congolaise
ne se presse pour qu’il soit livré et jugé pendant que le Congo se fait docile
et respectueux de collaborer à la traque des FDLR et autres génocidaires
rwandais sur son territoire pour le grand bonheur de Kigali.
À chaque fois qu’une
rébellion s’est déclarée en République Démocratique du Congo ; elle
présente dans sa structure une branche armée et l’autre politique, ce fut le
cas pour la rébellion de Kabila père, du Rassemblement congolais pour la
démocratie, du Mouvement de libération du Congo et bien d’autres encore.
Mais pour ce qui est de
ce qui se passe au Kasaï, certes il y a insurrection armée, troublant la paix
civile, dans un contexte d’un état failli aux multiples défaillances dans l’organisation
des corps constitués pour la mise en marche de la dynamique d’un état
républicain, la réponse est à la mesure du désordre et de la négligence des
animateurs de différentes institutions. Et les conséquences sont les violations
multiples de droits de l’homme, l’incapacité des forces de sécurité à contenir
cette vague de violence.
La crainte serait de
voir naître à travers le Kasaï une situation similaire au Kivu dont le nerf de
la guerre serait le contrôle des terrains diamantifères qui pourraient s’avérer
un excellent moyen de financement de ce conflit dont l’un des protagonistes est
connu, à travers le régime kleptocrate de Kabila et de l’autre côté des
insurgés se réclamant du chef coutumier( Kamuina Nsapu) assassiné par le
pouvoir de Kinshasa en août 2016 en la personne de Jean-Pierre Mpandi, dont la
direction politique n’est pas encore visible, hormis des revendications qui
sont allées des funérailles officielles du Kamuina Nsapu, à la libération des
prisonniers faits lors de différents incidents par le gouvernement de Kabila
jusqu’à une revendication plus globale exigeant la mise en pratique de l’accord
du 31 décembre 2016.
Le Kasaï subit de plein
fouet une répression démesurée de la part des pouvoirs publics qu’il a été
dénombré plus d’une vingtaine de charniers pour lesquels des enquêtes doivent être
diligentées pour déterminer les responsabilités afin que s’enclenchent des
procédures judiciaires. Des rafles ont été organisés derrière le prétexte de
sécurisation alors ce n’étaient que d’actions oppressives, d’ailleurs dénoncées
par la conférence épiscopale du Congo2.
La frustration sur les opérations militaires du gouvernement est grande, non
pas seulement pour des violations massives de droits de l’homme, mais à
cause de la présence dans le corps expéditionnaire de l’armée congolaise des mercenaires étrangers s’exprimant dans une langue méconnue des
populations, paraît-il.
Le rituel de la mort
semble avoir franchi les dimensions de l’horreur au Kasaï, à part de la vidéo
de Mwanza Lomba qui a montré le modus operandi d’une exécution extra-judiciaire
des militaires congolais, il est évoqué aussi la mise à mort par décapitation
des civils, dont l'un de deux experts des nations-unies, dont les corps ont été récemment
retrouvés dans une fosse commune après leur disparition au mois de mars et
aussi une photo qui a fait le tour du net où il est dit qu’il s’agirait de la tête
de la femme de l’administrateur du territoire de Mwene-Ditu3.
Toujours dans la morbidité de cette mise à mort, le gouvernement congolais a
parlé de la décapitation de 39 policiers commis à la sécurisation de cette
partie trouble du pays4.
Nous sommes en face d’un
processus immonde et mortifère, une ritualisation de la souffrance et de la
mort dont le but est de générer un traumatisme effréné annihilant toute
opposition et prédisposant à une obéissance absolue dans une perspective floue et infinie et difficile à saisir dans sa globalité.
« Ainsi, la narration du conflit, comme
trame d’interprétation des morts, devient impossible ; elle est remplacée par
celle, discontinue, des mises à mort et des massacres, vite inscrite dans une
trame routinière sans début ni fin, puis dans la circularité de l’éternel retour,
le temps mythique immémorial, dit Anne-Marie Losonczy5 »
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