Sous la terre à Préverenges...

J’avais un schéma préétabli pour consommer le temps jusqu’à ce que je m’affale sur mon lit miaulant de borborygmes. Avec un badge que nous recevions en entrant je retirais la barquette de nourriture : des haricots bouillis sans sauce, deux tiges de saucisses et des carottes, le tout était sans sel. Cela m’allait bien, car le médecin avait découvert une hypertension malicieuse. 
Assis sur l’une des tables faisant face à la télé qui émettait sur Al Jazeera, c’était plus par les images que par le son que je cherchais à comprendre ce qui se disait sans vraiment y mettre de la volonté de manière assidue. Je mâchais et avalais loin de toute idée de savourer un quelconque goût, faire quelques plaisirs aux papilles, le but était de remplir le ventre de sorte que l’organisme fasse le tri de ce qui lui était indispensable pour se maintenir en bonne santé physique et psychique. 
Assaisonné avec un peu de mayonnaise et de ketchup, le plat me paraissait passable. Je pense qu’il en était autant pour tous ceux qui en mangeaient dans ces circonstances, chacun avait revu à la baisse ses exigences alimentaires pour se contenter de se nourrir que de déguster. C’est dans une poubelle déjà bien pleine que je jetai l’assiette de plastique qui contenait ma nourriture. Habitué au jugement de valeur, sachant que  le geste que je venais de poser ne m’enchantait guère, je sortis vite le livre qui se trouvait dans la poche de mon pyjama et me jetai dans sa lecture pour ne point réfléchir sur l’insalubrité timide que tous ne pouvaient ne pas voir dans cette salle exiguë. 
J’avais développé des mécanismes pour m’éviter d’utiles réflexions qui étaient inappropriées pour le sale temps que je vivais sous la terre. Dans un abri de protection civile conçu pour logé les suisses en temps de guerre, mais qui servait de logement aux requérants d’asile que nous étions. L’austérité est passée par là, nous disait-on, pour ne nous offrir qu'un confort en deçà du minima requis pour des êtres humains de seconde zone que nous étions, entrés clandestinement dans les frontières de la confédération.   

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