Matata n’a fait qu’épicer le chaos congolais

Matata n’a fait qu’épicer le chaos congolais
 Des bonnes intentions et le passé teinté de corruption
En 2013, le gouvernement dirigé par Matata Ponyo signait un pacte national anti-corruption à l’hôtel du fleuve. Le premier ministre déclarait que cette lutte contre la corruption était une question d’urgence nationale et une question de progrès(1). Le Premier Ministre Matata Ponyo  préconisait des actions agissantes afin d’infléchir la courbe de pauvreté et booster notre pays pour qu’il se classe parmi les pays émergents. Oui à la transparence, oui à la bonne gouvernance, oui au progrès disait-il. Déjà lors de l’entrée en fonction de son gouvernement, tous les membres avaient signé une déclaration selon laquelle ils lutteront contre les antivaleurs devant le secrétaire général de l’observatoire du code éthique professionnelle(2). Une série de bonnes intentions qui n’occultait pas les affaires de corruption qui ont émaillé la gestion du bureau central de coordination que Matata a dirigé pendant des années (3), même qu’au niveau du département « Integrity Act » de la banque mondiale, qui a mis en place cette structure pour coordonner l’aide apportée aux institutions congolaises depuis la reprise de la coopération en 2001, bien de maux avaient été décriés(4).
Matata Ponyo et le paradigme de la corruption en RDC
En arrivant au gouvernement en 2012, que des éloges à profusion n’ont pas tari pour vanter le savoir-faire de l’homme qui commença sa carrière professionnelle comme professeur assistant, technocrate à la banque centrale, puis plusieurs fois conseiller en matière économique dans plusieurs cabinets ministériels. D’ailleurs le maitre mot auquel le public n’a cessé de le rattacher est la maitrise du cadre macro-économique.  Son éternelle cravate rouge suscitait bien de commentaires, surtout de la part de fanatiques qui lui créditaient de tous les talents, et surtout de ceux qui pensaient dur comme fer que l’homme était la perle rare dont rêve le peuple pour vivre une distribution équitable des ressources nationales.
Dans un pays aux multiples scandales financiers, Matata n’a été qu’un scandale de plus derrière ses attitudes pieuses et austères. Une attitude qui ne savait cacher toutes les avanies que lui et sa clique de la majorité présidentielle proche du président Kabila perpétraient contre la république.
En 2014, un scandale éclaboussait le gouvernement Matata avec les comptes occultes du ministère des finances chez Access Bank dont les méfaits se sont traduits en termes de retraits en liquide et de surfacturation des frais bancaires pendant que l’argent public ne peut être hébergé qu’à la banque centrale(5).
En janvier 2016, dans le classement de Transparency International, la République Démocratique du Congo reste un pays où la corruption sévit et prolifère, et ce malgré toutes les bonnes intentions du gouvernement dont les gestes cruciaux pour l’amélioration des conditions de vie des populations n’ont souvent étés que des opportunités d’enrichissement(6).
L’Est du pays, hormis ces problèmes d’insécurité récurrente contre lesquels il n’a pu rien faire, connait un désordre minier inacceptable, et pour lequel son gouvernement a été d’une incapacité notoire et d’une irresponsabilité criante. Pour illustrer la taille de ce que fut sa prévarication, je prends le cas de l’entreprise chinoise Kun Hou Mining exploitant l’or de la rivière Ulindi où Global Witness évoque une évasion fiscale de près de 17 millions de dollars au détriment de l’état, à qui la dite entreprise n’a présenté qu’une exportation d’or taxable de 500.000 dollars américains (7)(8).
Quant à la fibre optique, pour insérer le pays dans le créneau pour lequel Kabila avait ou aurait été élu, le 18 mai 2015, une commission parlementaire a tenté de tirer au clair ce qu’a été la gestion des fonds alloués à son acquisition ainsi qu’à son installation du haut de la tribune du parlement. Ainsi il a été clairement dégagé qu’il y a eu surfacturation, car il a été mentionné que le kilomètre de ce câble ne coûte que 20.000 dollars américains pour celle d’une meilleure qualité au lieu de 52.000 dollars comme stipulé par ceux qui étaient censés engager les travaux pour le compte de l’état. D’ailleurs Emery Okundji avait décidé à l’époque de transformer l’affaire en question orale(9).
Le colombo tantalite (coltan) est une matière indispensable à la fabrication des condensateurs qui entrent dans les assemblages électroniques des téléphones portables ainsi que dans ceux des appareillages aéronautiques et spatiaux. L’Est de la république démocratique du Congo regorge de plus de 80 pour cent de cette matière(10). Le gouvernement Matata n’a pas réussi à stopper l’hémorragie de cette matière dont l’exportation se fait plus par le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi par une diplomatie à bras le corps pour amener à une exploitation loyale et sereine susceptible d’apporter la paix dans cette région du pays(11). Même qu’en 2017, une usine de traitement de cette matière sera installée au Rwanda(a) .
À part le coltan, il est de notoriété publique que le Katanga qui est la province la plus riche du Congo avec la Générale des carrières de mines qui se fait spolier depuis plus de quinze ans au nom d’un libéralisme aventuriste où les titres miniers sont bardés au profit d’une constellation d’entreprises fictives qui en tirent des bénéfices colossaux à l’international au détriment de l’état congolais et de son peuple(12).
Et la cerise sur le gâteau du truandage de l’état congolais et de la paupérisation voulue du peuple passe par les dernières révélations du banquier de BGFI/Bank concernant la main mise qu’exerce le clan Kabila sur les finances publiques(13). Surtout pour cette dernière affaire et pour tant d’autres portant préjudice au pays, il serait impérieux de voir le conseiller spécial du chef de l’état en matière de lutte contre la corruption entrant en scène, d’autant plus qu’il y a quelques mois, il s’était illustré par la saisine des instances judiciaires  contre quelques gouverneurs de la majorité présidentielle(14).
Sur le plan de la réduction de la pauvreté en République Démocratique du Congo, Matata affirmait : «Faire reculer de moitié la pauvreté à l’horizon 2015 était un défi de taille pour un pays déchiré par la guerre et qui a connu une trentaine d’années de mauvaise gouvernance(15)», mais le dernier rapport sur la pauvreté publié par le Fonds Monétaire International dit que 8 congolais sur 10 vivent sous le seuil de pauvreté absolue(16). Malgré tous les discours sur la maitrise du cadre macroéconomique, le pays reste un des plus pauvres du monde, son gouvernement n'a pas été capable d'épargner et d'organiser les élections faute d'argent, et dire qu'il a été vanté d’être un bon gestionnaire, alors que le type nous racontait que des fables de son Maniema natal(b).
Il est parti, Matata Ponyo, et personne ne semble préoccuper de son bilan, surtout pas les politiques qui s’évertuent à parler de l’avenir comme si le présent et le futur ne comptent pas dans ce que serait la configuration de ce futur meilleur auquel rêve le peuple. Badibanga, pauvre type, à qui le prestidigitateur refile une patate chaude ne fera pas mieux, si ce n’est se bomber le Curriculum Vitae d’avoir un jour été le premier ministre d’un pays moribond auprès de qui son action n’a été que chaotique et inutile.
  


  

    

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