Un arrachement...
Dans ce grand magasin comme un fourre-tout, s’apercevait étendu tout
ce dont pouvait avoir besoin un homme pour survivre, on y trouvait des habits, des
ustensiles de cuisine, des meubles, des aliments, tous vendus à vil prix, des prix
modiques et évangéliques pour rendre aux pauvres le sentiment d’exister dans un
capitalisme qui multiplie l’ostracisme des démunis malgré les performances
économiques. Avec d’autres, vivant de la magnanimité et de l’opportunité qu’offrait
de l’église catholique, il triait des vêtements
propres et convenables qui soigneraient son apparence, du moins sa
présentation. Il espérait en tout cas en sortant diluer l’être cradingue qu’il
était derrière les habits qu’il se procurerait.
Lorsque de nouveau dans le train qui l’emmenait vers Berne, silencieux,
assis en face de ce groupe de filles qui ne cessait de piailler, une nostalgie
et une mélancolie s’emparaient de nouveau de son cœur, la tristesse d’une
séparation émergeait de ses entrailles jusqu’à peindre de morosité sa trombine
hagarde qui suscitait des murmures que s’échangeaient ses voisines, qui ne se lassaient de scruter l’océan impassible de ce vide qui se lisait dans ses yeux.
Dans le ronronnement du train qui couvrait des fois la tonalité de sa toux qu’il
tentait de contenir au mieux, son esprit récitait un au-revoir tacite à la
Suisse romande. Plus qu’un au-revoir, un adieu. Pour rien au monde, il ne
reviendrait, se disait-il, même s’il lui fallait parcourir le monde pour ne point
subir une telle décision. Mais néanmoins c’était un nouvel arrachement qu’il ne
pouvait occulter, et les effets n’étaient pas agréables.
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