Un spectacle désolant...

Ma gorge enflait sous la poussée d’une répugnante houle sortie des entrailles qui tentait de s’extirper. L’instant était bien désagréable, aigre, qu’il me fallut serrer les dents. Bien les serrer pour contenir cette nausée qui pouvait m’humilier plus que le morbide spectacle du vieillard qui ronflait tout bonnement sur son siège sa canette vidée de son contenu ayant mouillé le siège où j’étais assis avant. Son sommeil n’était un moment d’accalmie, au contraire il était convulsif, des ongles longs pendant sur ses doigts fins grattaient avec une régularité mécanique son menton mal rasé où quelques poils argentés et téméraires. De sa bouche, s’entendaient des soliloques vagues et vulgaires, des palabres qu’il prononçait dans la lumière de son inconscience avec une exactitude meilleure que lorsqu’il avait les yeux ouverts. Pauvre homme, quelle vie !
De temps en temps avec une timide force, dans un élan instinctif que rationnel, ses mains frêles tentaient de couvrir complètement son corps avec la foultitude de tissus qu’il s’était empilé, mais en vain. Un pan entier de son manteau encrassé se trouvait sous son maigre poids et il ne se rendait pas compte, éméché comme depuis que le monde fut, il lui était bien impossible de s’en rendre compte. Cela attisait maintenant des rires. C’était à la fois désolant et sarcastique. Personne ne songeait à lui porter secours, car il le fallait bien, mais tous avaient le sourire jouissif, loin de quelque forme de compassion pouvant aboutir à porter secours. Puis un brusque coup de frein qui emportait d’un coup tout le monde. Le vieillard s’écroulait de son corps  mollasson sur le parvis, sa tête s’éraflait contre le plastique du siège jouxtant le sien.


Commentaires

Articles les plus consultés