la démocratie congolaise dans l'impasse...
La démocratie
communautaire dans la perspective d’une participation de toutes les forces
politiques du pays est une escroquerie pure et simple : ce qui se passe à
Kinshasa illustre la taille de cette farce
Subterfuges, ruses, que le
pouvoir ne s’en aille pas. Maintenant que son dernier mandat a officiellement
pris fin, le président silencieux du Congo-Kinshasa se tait, mais pas n’importe
comment. Il a su tenir en laisse une opposition dont le verbe allumait déjà la
tension et l’impatience de la rue à s’approprier le processus démocratique ;
il a su dompter une opposition institutionnelle par la prestidigitation de
gestion de l’état alors que le système allait vers un total dysfonctionnement avec la
participation de toutes les composantes confondues. Malgré que tous les
serments de bonne foi dans ses discours pleins de bonnes intentions, le pays se
déprécie, le niveau de vie va de mal en pis, le peuple ne semble ne plus
supporter le poids de cette misère sans cesse grandissante.
La dribble de la St
Sylvestre
Depuis le 19 décembre, le mandat
de Kabila a pris fin. Une pression était montée dans toutes les grandes villes
du pays, mais la plus dangereuse d’entre elles était celle de Kinshasa, la
capitale. C’est celle-là sur laquelle qu’il ne fallait en aucun cas perdre la
main. Un dispositif impressionnant de sécurité sera mis en place pendant qu’à travers des
tractations politiques, l’homme toujours vautré derrière son silence, pendant
que la nation bout impatiente de le voir enfin capitulé, puisque le mandat dont
il bénéficiait était expiré, a réussi par un tour de passe-passe à diviser les
leaders de la dite opposition à travers des tractations politiques ouvrant à la
fois la brèche à une prolongation tacite de toutes les institutions devenues
remplies d’illégitimité et d’illégalité, déjà que le sénat et les assemblées
provinciaux jouissent de ce lapsus depuis 2006 sans que cela ne fasse l’objet d’aucune
pression de la part de la classe politique à la fois institutionnelle et non
institutionnelle. Dans un premier temps, avec les accords de la cité de l’OUA
signés avec la bénédiction des Nations-Unies et de l’Union Africaine, l’opposition
qui semblait depuis de mois faire bloc en vue de voir l’homme du silence
vacillant sur son trône au mois de
décembre se fissure1.
Il en sort un premier ministre issu du parti le plus populaire de l’opposition
en la personne de Sammy Badibanga. De cet accord, que des contestations s’en
suivront ne faisant qu’amplifier les incertitudes quant à ce qui pourrait se
passer à la date du 19 décembre lors de la fin officielle du mandat de Kabila
le silencieux. Puisque l’impasse grandissait avec tous les risques que ne
savaient vraiment prédire avec exactitude les analystes les plus chevronnés, l’église
catholique tentera dans un geste désespéré de trouver une entente englobant les
désidératas des uns et des autres, ce qui aboutira aux accords de la St
Sylvestre dans lesquels l’objectif le plus important est l’organisation des
élections par un gouvernement dirigé par l’opposition.
Une opposition fondée
sur les hommes et non sur des principes
Depuis 1965, il a fallu dix-sept
ans pour voir émerger une contestation interne au pouvoir du président Mobutu
avec la fameuse lettre de douze parlementaires. Un pouvoir auquel ils ont
participé jusqu’au jour où ils se sont rendus compte que le destin national avait
pris une mauvaise voie. Alors pour eux, commencera une longue épopée de
brimades et d’intimidations de tous genres. De tous ces parlementaires en disgrâce
devant celui qui se faisait appeler le guide, un seul marquera les générations
entières en la personne de Tshisekedi wa Mulumba. L’homme va traverser tous les
soubresauts politiques du pays s’opposant successivement à Mobutu, à Kabila
Laurent-Désiré, ainsi qu’à son fils Joseph Kabila. Devenu l’icône de la nation,
voir le meilleur espoir de la démocratie congolaise, nul ne pouvait mieux représenter
cette dynamique que lui. Il en est devenu l’incarnation. C’est donc avec son
aval que l’opposition à Kabila entamera les négociations dites de la St
Sylvestre avec son propre fils comme une des figures de proue, son fils dont l’immixtion
en politique est à la fois tributaire de son prestigieux nom et des qualités
combattives.
Mais le leader Maximo est vieux,
accuse le poids de l’âge et les responsabilités historiques sont trop lourdes à
porter pour un homme comme lui. Lors d’un contrôle médical de routine, le Leader
Maximo décède. Si dans le parti, rien ne semble agiter, mais dans le
rassemblement des forces politiques acquises au changement certains rêvent de
lui succéder, ce qui n’est pas mauvais, mais une houle populaire semble porter
le fils, son fils qui porte si bien son nom comme étant la meilleure personnification
de la fidélité à la logique du père. De cette option de catapulter le fils sans
une procédure prévue dans les statuts, bien de doutes s’élèvent, des divisions
s’affichent au grand jour, et personne n’évoque une référence textuelle. Chacun
argumente selon que ses intérêts sont préservés ou menacés dans cet ensemble hétéroclite
plein d’éléments douteux. Des dissensions et des tergiversations qui n’ont fait
détourner l’attention de l’impatience du peuple vers des querelles intestines
que pouvaient bien régler des textes au lieu que cette succession ne soit
réglée par l’aura de personnes.
L’imbroglio dans les
accords de la St Sylvestre
Dès le départ, le camp du président
Kabila bien qu’ayant signé les accords joue avec la sémantique. Il a entendu
que les accords ont été signés sous réserve. Mais l’opposition obnubilée par l’accès
aux affaires publiques semble ne pas faire fi. S’accrochant à un parchemin qui
lui ouvre les portes de l’état. L’accord stipulant que le poste de premier
ministre devait revenir à l’opposition politique, a suffi pour inhiber toute la
pression dont elle a gonflé le peuple avant le 19 décembre. Ne jurant plus que
par Tshisekedi fils comme Josué pour mener le peuple vers la terre promise
après la mort de Moise 4. Mais la nomination de ce dernier comme premier ministre
se fait attendre. Plus, depuis que l’acquis existe sur papier, l’opposition
semble avoir perdu tout son latin, or les évènements dans le pays sont tragiques
et appellent à ce que des voix s’élèvent pour dénoncer l’inaction
gouvernementale devant la barbarie du Kasaï et les crimes ignobles de l’armée
congolaise contre des paisibles paysans dont les enfants. L’opposition se mure
dans un silence complice, n’osant ouvrir la bouche que pour parler de ce prétendu
gouvernement hypothétique qui ne vient pas et pour lequel à les entendre serait
l’unique solution pour sortir de la crise institutionnelle. C’est comme si l’opposition
a marchandé son soutien populaire contre le poste de premier ministre :
donnez-nous ce poste et nous vous garantissons le silence de la rue.
Le pays s’écroule et le
débat semble ailleurs
C’est triste pour cette classe
politique, à la fois intuitive, boulimique de luxe et d’opulence loin de toute
empathie que pourrait susciter l’exécrable misère du peuple. L’affaire rocambolesque
récente à travers laquelle le gouverneur de la ville province de Kinshasa a
clamé haut et fort avoir corrompu un opposant illustre bien ce double langage
entre les hommes publics congolais qui, devant le peuple, se lancent des pics,
et en catimini se livrent à des combines au-dessus des lois et des règlements 2. Encore qu’il
faut souligner que dans cette opposition se trouve de nombreuses personnes qui
ont largement contribué à l’installation du chaos qu’ont été les années de
Joseph Kabila au pouvoir avec son lot de corruption et de meurtres auxquels ils
ont solidarisé par le silence complice dont ils avaient fait preuve. Curieux de
voir quand même dans le lot, qu’un certain ancien conseiller en matière de
sécurité de l’Ogre au pouvoir à Kinshasa, à peine divorcé de son maître d’hier, se retrouvait
projeter à la direction de cet ensemble de plus en plus indigeste de l’opposition
politique à Kinshasa. Quand on sait qu’à Kinshasa en janvier 2015, suite aux
tentatives de la majorité dont faisait partie Pierre Lumbi de modifier la loi
électorale, des émeutes avaient éclaté et qu’il avait eu mort d’hommes, dont
devrait se justifier un jour celui qui était le conseiller spécial du chef de l’état
en la matière : un terminator de seconde génération 3.
L’Est et le centre implosent sous les balles de la soldatesque à la solde de ce
régime impie, comme toujours le silence est le refuge par excellence du
président, la situation économique se désagrège davantage, et le peuple est désemparé,
personne ne plaide sa cause, mais s’accroche à un espoir chimérique qui tarde à
venir. Quant à l’opposition, elle ne rêve plus que de voir Félix Tshisekedi rééditer
l’exploit de son père lors de sa désignation comme premier ministre à la conférence
nationale souveraine en 1992. Ce que les kabilistes ne leur ont concédé que sur du
papier.
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