Avant que je ne fus interrogé...

À peine j’en franchissais le seuil, la dame qui me recevait tendait sa main d’une humeur glaciale occultant la moindre émotion perceptible. D’un geste sec mais gracieux, elle me désigna la place où je devais m’asseoir. Sur la table ne s’entendait plus que le chuintement de pages que ses doigts tournaient après un brin de lecture attentive. Le silence remplissait le volume de ce bureau où j’attendais d’être interrogé ; et, à part les feuilles qui se remuaient, mes oreilles auraient pu percevoir même les battements d’ailes d’une mouche en l’air. 
Plus d’une dizaine de minutes s’étaient écoulées et la dame continuait de tourner les feuilles blanches, surtout que maintenant elle le faisait après avoir humecté de sa salive les bouts de ses doigts. 
La consolation d’être au bout de mes peines que j’avais éprouvées quand j’entrais commençait à s’estomper, à la place une bile dessinait les contours de son volume et de son périmètre. De nouveau je rabattais ma modeste réjouissance à des simples prétentions d’un persécuté acceptant le triste sort qui était le sien sans rechigner. Les bras croisés et les yeux d’une docilité servile, j’attendais qu’un mot me soit dit mais en vain. C’était comme si ma présence valait autant que mon absence.  

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