Le bar était un creuset de la mondialisation...
Dans le bar presque vide une
musique douce retentissait: les langoureuses notes circulaient dans une
indifférence totale. Les haut-parleurs dissimulés dans le plafond ne diffusaient
maintenant que le son de la radio. Dehors le temps était beau et clair, avec un
soleil plein de vie qui injectait une bonhomie d'un moment agréable, dont les
hommes bénéficiaient à satiété. L’été tenait les instants dans l’allégresse de
sa survenue, le monde transpirait d’un enthousiasme qui se lisait plus facilement que sur
les visages épanouis des passants.
Accroché sur le mur du bar, un petit écran s’apercevait affichant des résultats d’un jeu de hasard, ce qui me troublait avant; ainsi ma lucidité se
trouvait bien éclairer sur l’attitude de ces hommes que je voyais en train de
griffonner sans cesse sur des bouts de papier, bien concentrés dans leurs
calculs. Derrière la mélodie qui traversait de bout en bout la salle, des sorts
se scellaient sur le petit écran où défilaient des scores; aucun de ceux qui
jouaient ne se réjouissait depuis que je les observais. Des chaises vides
nous regardaient avec une passive intention de ne servir à rien; les murs, où
pendaient des petits tableaux, semblaient tristes de ne servir de cadre qu'à un lieu, qui ne savait accomplir la plénitude de sa mission.
Quelques voix indistinctes
se faisaient entendre vers le fond de la salle : une langue qui me
paraissait proche de l’espagnol que j’ai appris depuis que j’avais vécu dans
la ville de Valencia. D’une attention guidée par l’instinct, l’oreille se
tendait pour disséquer le son qu’elle percevait. Enfin la raison décryptait cette langue, qui
lui était soumise au déchiffrage: il s’agissait du portugais. J’appréciais la
magie de la mondialisation, car ce portugais que j’entendais, qui était si
proche de l’espagnol que j’avais appris en Espagne, était parlé par des
maghrébins.
Nous étions au confluent de cultures où le métissage devenait
inévitable avec l’inéluctable rencontre de peuples, avec les progrès de la
modernité, la croissance de la précarité dans un monde de plus en plus
instable, qui obligeait les populations au déplacement pour chercher la survie
vers des terres, qui n’étaient pas forcément les leurs ; ainsi
l’intégration les amenait à incorporer d’autres paramètres dans la génétique de
leurs identités. Ce bar ne semblait être que le creuset de cette mondialisation à laquelle nul lieu ne serait épargné sur la terre des hommes.
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