Le culte poétique...
1. La
bille de son stylo s’aplatit sur la surface blanche du papier, elle crissait
lentement avec délicatesse pour coucher dans l’immortalité temporelle et dans
la matérialité la pensée de l’auteur que la nuit amplifiait. Dans son
volontariat nocturne, le devoir était plus fort que le sommeil, qui acceptait
d’être évincé par la passion des lettres animant le fond de son esprit accablé
de ce désir intense de rendre compte de ce qu’il avait vécu : il se
considérait comme un témoin de son époque, avec l’obligation de ne point se
départir de ce devoir de conter à la postérité, sans savoir laquelle, sinon
parler à ceux qui viendront demain. Dans ce tutorat qu’exerçait le destin sur
son existence, il avait fondu dans le charme de cet appel viscéral, absorbé au
point de s’oublier dans cette séduction où s’empêtrait son esprit, qui ne
trouvait de satisfaction vraiment qu’après qu’il ait écrit des longues
palabres. Ainsi, il pouvait toute la nuit écrire sans désemparer tant que le
thermostat de son satisfecit ne lui aurait pas suggéré que la température
maximale a été atteinte. Le regard perdu devant l’infinitude de l’horizon
obscur, dans sa tête ne se percevait plus qu’un ensemble de lignes que les mots
tissaient et reliaient. Sur la plate surface du papier, des échos s’imbriquaient,
des sens se mêlaient, l’émotion prenait corps dans la tonalité et la sonorité
pour enivrer l’âme afin qu’elle en soit éblouie. Dans les méandres d’un temps
invisible qui se faufilait à travers l’air ambiant, drainant sans que nous le
voulions la nôtre vie vers l’instant fatal que redoutent les hommes sur la
terre. Dans le silence de la nuit habillée de sa tunique sinistre, quand le
bruit s’était tu complètement à telle enseigne que le moindre son se voyait
quintupler par la bonification que lui attribuait la lugubre quiétude qui
emprisonnait l’air du temps. Mu par la redondance des teintes qui traversait
son imagination, il ne pouvait s’apaiser qu’avec l’encre séchée sur du papier.
En
communion avec ce qui se meut pour faire sa personnalité, l’essence de ce qui
le constitue, les mots arrivent pour habiller sa pensée, afin que dans la
clarté absolue, se lise ce qui se tisse dans les profondeurs de son silence de
méditation.
Ses
oreilles avivées entendent le soupir des plantes se mêlant au souffle du vent de
lointains horizons, son visage s’humecte d’un enthousiasme extatique, dans une
silencieuse communion. Ainsi, son cœur ressent, entend, comprend, sent, la
moindre fébrilité même se mouvant dans la discrétion la plus complète, jusqu’à
dialoguer avec le mutisme d’un temps presqu’ivre de son verbe muet, décryptant
les nuances translucides échappant à la perspicacité de la vue. Le poète dans
un exercice drastique s’engouffre dans la mystique de l’aube et du crépuscule,
son imagination se voit inséminer des longues lettres pleines de métaphore
obligeant les méninges à lire à travers les agrégats dont se constituent le périmètre et le volume du silence. Dans le culte poétique, il s'inspire pour décrire le monde.
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