Le rêve de l'andouille...
Il
rêvait déjà. Se voyait en train de courir tout nu sur une plage, poursuivi par
des indigènes vêtus seulement des cache-sexes avec des lances et des boucliers.
Dans leur course, subitement, il se rendait compte qu’il était bien nu, comme
un ver, les couilles allant vrille à chaque enjambée qu’il faisait le long de
la berge. Et chaque fois qu’il pouvait regarder en arrière les visages de ses
poursuivants reflétaient une envie débordante de le frire à l’huile, pensait-il,
de le griller sur un barbecue sous le soleil de la côte de leur île paradisiaque
dans un pique-nique sous les cocotiers. Sa peau blanche exceptionnelle d’homme
d’ailleurs, semblait attiser un incommensurable courage dans le fond de leurs
instincts cannibales, s’imaginait-il, alors la nécessité de survie lui
insufflait une vélocité qu’il ne soupçonnait point trouver dans ses longues
jambes et son souffle devenu presqu’inépuisable.
Il
allait s’embusquer derrière la quille d’un bateau qui devait avoir échoué sur
la plage de cette île depuis belle lurette. À peine que ses mains s’y accrochaient,
son esprit pensait au sort qu’avaient subi les survivants, s’il y en avait, de
ce navire qui semblait être bien gros par l’observation de la grosse armature
en bois dont une bonne partie était recouverte de sable. Le souffle du vent
balayait ses fesses nues, qui l’avaient posé sur ses talons, accroupi qu’il
était derrière une longue tige de bois, lorgnant ses poursuivants qui
semblaient avoir perdu sa trace.
Son
front transpirait à grosses gouttes, sa bouche expirait de grosses bouffées
d’air, son corps éreinté se ragaillardissait de force dans ce modeste temps de
répit ; il observait ses poursuivants encore sûrs d’être sur ses traces,
qu’ils l’avaient dépassé sans se soucier d’inspecter les alentours de cette
coque en bois en train de pourrir sous les assauts incessants des vagues de la
mer.
Juste
au moment il se levait pour prendre la direction opposée, son épaule était
saisie par une main puissante, le moindre geste lui était devenu impossible,
puis un coup s’abattait sur sa nuque au point de l’assommer complètement. Quand il revenait à la conscience, le son
saccadé des tam-tams battait avec intermittence au milieu d’une foule
surexcitée qui exécutait des danses de joie à tour de rôle autour d’un grand feu
où bouillonnait une grosse marmite bien noire contenant plein d'eau avec des épices. Des couteaux s’aiguisaient sur la
roche dans un crissement bien aigu, puis la tonitruante ambiance cessait d’un
trait ; un homme au ventre gonflé comme un ballon de basket-ball
s’approchait avec une dague à la main, se saisissait de ses couilles qui, vite, étaient détachées sous la tranchante percée de la lame d’acier. Un cri long
et aigre fissura les instants ; et il sursautait de son sommeil la main entre
les jambes, tout était en place. Ce n'était qu'un mauvais rêve qu'il avait fait, son soupir pressant l'apaisa, et se rendormit. Quand les employés de son père ouvrirent la porte pour s’enquérir de ce qui s'était passé, il avait repris son ronflement.
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