L'agonie du brave ...

Il sentait ses membres engourdis. Une insensibilité se répandait à leurs extrémités. Son cœur gardait une tranquillité absolue. Absolue mais un peu précaire.Une hantise guettait avec patience afin de s'immiscer dans son âme. Son esprit lui rappelait l'inaliénable dignité dont il avait toujours été si fier de défendre.
Alité, incapable de quelques mouvements malgré toute la modeste volonté dont il disposait encore, il se sentait bien diluer dans cette léthargie qui lui imposait sa logique. Son corps subissait les assauts d'un mal qui avait déjà mûri. La petite étincelle de lucidité encore en lui analysait toutes les conséquences probables de ce qu'il vivait. Il se résignait de ne point perdre son prestige malgré le summum de la fatalité. Il fallait rester digne quoi qu'il en soit et quoi qu'il arrive.
Il refusait une averse de compassion sur son être que le trépas empoignait lentement vers les abysses obscures de sa résidence. Son regard fixait le plafond avec dignité, mais une nostalgie inévitable lui défilait un bilan mitigé de son vécu ; une mélancolie des ultimes instants entaillait son cœur au regard des déconvenues, des insatisfactions et des inachevés contre lesquels il ne pouvait que constater la taille de son impuissance dans le présent, le futur et pour toujours.
Ses yeux se remplirent involontairement des larmes jusqu'à ce qu'elles aient coulé dans le creux de ses joues creuses mouillant les draps blancs du lit, puis son souffle devint tout à coup lointain, difficilement accessible, il serra les dents pour faire face à l'instant avec bravoure, et comprit que l’irréversible était bien enclenché.