Ma disette et le triste destin de la pomme...

Une brûlure s'accentuait dans les entrailles. Une flamme occupait le vide qu'elle embrasait dans le ventre. Il s'entendait une muette réclamation, un son de l'intérieur soufflant en conquérant dans le tumultueux silence de l'organisme. L'estomac se voyait écraser par le talon, et tout le corps se retrouvait bien indisposé : de la tête aux orteils. Rien ne semblait être épargné. Le corps subissait un énième assaut contre soi-même. Les nerfs transportaient avec vivacité la sensation au cerveau où siège la raison, ainsi l'homme se rendait compte d'une nécessité à laquelle à tout prix une solution devrait être trouvée au risque de subir un malaise total, dont l'épicentre serait à coup sur le ventre.
La faim avait une extraordinaire capacité de mobiliser la volonté de l'homme, d'intimer à tout son corps de s'activer pour apaiser le désir d'un seul organe qui proclamait chaque jour, et avec une modeste intermittence, sa prééminence sur les autres, bien que passagère pouvait elle paraître.
Alors vite mon esprit me rappelait qu'une solution était à portée de main ; une pomme embusquée dans mon sac pouvait bien faire l'affaire ; elle devait suffire pour éteindre ces flammes invisibles qui consumaient l’être. Je me saisissais de la pomme, l'approchais de ma bouche, mes mâchoires se déployaient dans son plus grand écart, révélant l’agressivité de mes dents prêtes à inciser la surface fragile et innocente du fruit à immoler, la langue s'agitait bien impatiente de palper le suc qui allait se répandre sur sa surface, le palais s'en réjouissait engluer de salive brillante et transparente et, enfin l'email s'incrustait dans la masse compacte du fruit. Un bruit sec et bref retentissait comme celui d'une agonie lente et douce, il se laissait entendre ainsi autant de fois que je mordais le pauvre fruit avec voracité, car tel était son destin, et le mien sur l'instant était de le manger.
Dans la bouche se formait un mélange visqueux de salive et de pomme à la fois mâchée et hachée, succulente, agréable à y demeurer, un inouï plaisir de pouvoir manger, puis j'avalais. Je sentais la bouchée dégoulinant le long de œsophage jusqu'à fondre dans les abysses des entrailles. Le feu intérieur entamait alors une décrue. Plus je mangeais, en mordant et en mâchant, mieux je me sentais. A la fin, je me caressais le ventre et je réalisais que c'est si bon de bouffer.



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