Papa Président 1

Il regardait le fleuve Congo depuis son bureau. Accoudé contre la balustrade du balcon, il respirait de grandes bouffées d'air, secouant la tête instinctivement en pensant à l'invraisemblable qu'il vivait depuis une quinzaine d'années : le pouvoir.
Ses mains caressaient son ventre où, malgré les abdominaux dont il était si accroc, ne cessait de croître en volume. Peut être pensait-il au gringalet qu'il était encore avec toutes les incertitudes de l'âge, se fourvoyant derrière l'ombre de son père : un ex révolutionnaire rêvant de conquérir un pouvoir mirobolant.
Le regard souriant, il se mira légèrement, palpant de ses doigts la chemise bleue marine qu'il portait ; "le bleu marine" avait été sa couleur préférée depuis ces années de jeunesse comme taxi man dans les pays du Rift Valley.
Se reniflant le corps pour humer encore le doux parfum de Paco Rabane qu'il s'était aspergé comme une pluie -un réflexe qui lui est resté de cette puanteur juvénile comme un choc psychologique - le matin, pensant non sans peine cette odeur dégoûtante et piquante que dégageaient ses aisselles il y a quelques années au point d'être son talon d’Achille lors des petites algarades dans la fratrie des chauffeurs taxis.
Mais cette époque était bien loin, très loin. Maintenant il était l'équivalent du chef comme chez les arabes, il porte les mêmes titres que jadis Moubarak ou Saddam Hussein. Un titre lorsqu'il était prononcé lui procurait des frissons et des frémissements qui lui traversaient le corps entier, ainsi il percevait combien il était puissant, surtout quand les courbettes se multipliaient dés qu'il apparaissait.
Il était le Raïs congolais -une première dans l'histoire de l'Afrique centrale qu'un chef porte ce titre,- non d'un désert, mais de la deuxième forêt tropicale du monde. Entre ses mains se jouait aussi le destin de l'éco système mondial, alors il n'était pas n'importe qui, se disait-il de son balcon observant le fleuve coulant tranquillement.

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