Le président fume de l'herbe...

Le professeur se leva de sa chaise et dit au président que c'était à lui de décider de la prochaine date de leur rencontre. J'aimerais bien que nous le fassions pendant la saison sèche, car nous aurions besoin de deux squelettes humains, d'un adulte et d'un bébé, pour pouvoir en recueillir les cendres qui serviront à la cérémonie, lui avoua-t-il en posant une main d'un encouragement sur son épaule gauche. Gariba, assis dans son fauteuil, ne dit rien, son visage impassible se perdait dans la cour de son palais bien éclairée, comme en plein jour, où des militaires en faction défilaient kalachnikov à la main, le regard à tout vent plein d'attention. La porte de son bureau crissa sans qu'il ne fit signe, cloué sur la chaise, le président affichait une totale absence, des idées sillonnaient son esprit, des embarras persistaient malgré tous les pouvoirs de contrainte en sa possession.
Derrière les rideaux, dans la cour bien éclairée, il aperçût le professeur disparaître dans la jeep qu'il lui avait offerte dès les premiers instants de leur rencontre ; des squelettes humains paraissaient comme un ingrédient lugubre dans ce jeu mystique pour une meilleure maîtrise de l'aura de son pouvoir comme chef. Bien que militaire ayant rencontré d'horribles scènes, déterrer des corps, car c'est ce qu'il faudrait faire pour en disposer, paraissait indécent. L'exhumation des corps était un contre-sens par rapport au respect dû aux morts tel que ne cessait de lui rappeler le vieux N'kiasi, chez qui il a appris à apprivoiser les effets de la marijuana, car sa maison était le siège de tous les rastafaris des petits villages, à proximité desquels se trouvait le maquis de son père révolutionnaire. Dans cette imbroglio qui semblait retentir avec intermittence dans sa tête, la marijuana parut comme une révélation, la formule qu'il lui fallait pour alléger son esprit qui se surchargeait.
Enfin il put bouger de ce fauteuil où il était figé depuis que N'kusu l'avait quitté. Sous un livre dans un tiroir de sa table de travail, il sortit un bocal plein d'herbes bien sèches, il disposa une quantité sur du papier, enroula le pli en l'enduisant de salive, puis alluma en toute tranquillité. En inspirant le premier coup, il se sentit directement apaisé comme lorsqu'il prit l'habitude de décompresser après avoir subi le courroux de son père, dont les affaires et la politique ne faisaient pas toujours une excellente opportunité de profit. Sa tête complètement accolée au dossier de la chaise, les yeux fixant le plafond, sa bouche expirant une longue colonne de fumée, son esprit en promenade dans cette quiétude retrouvée se calma dans une aise grandiloquente. Cette herbe lui procura une seconde énergie, une énergie à travers laquelle il lui était possible de tout faire, elle valait la force de sa transcendance devant l'impossible.

Commentaires

Articles les plus consultés