N'kusu écoute le président...

Une hésitation muette remplit la langue du président. Instinctivement, il porta sa main sur le menton où il sentait pousser quelques bouts de poil, ça faisait deux jours qu'il ne s'était pas rasé à cause de ces rêves d'au-delà incrustés dans son sommeil, désormais loin d’être paisible. Un embarras monta lentement en lui, étouffant ses fonds gutturaux, où les cordes vocales ne savaient s'étendre pour que la voix fut audible. Il sentit la grandeur de son titre se rétrécissant sous les yeux vifs d'en face fixant les siens sans atermoiements. Un déséquilibre commença à s'installer dans le fond de son esprit de militaire aguerri. Derrière son calme, une révolte s’éleva contre la perturbante intrusion que pouvait se permettre un civil sur sa personne, fusse-t-il son mentor spirituel ; en tant que militaire, c'était sa prérogative naturelle d'intimider que subir une intimidation, qui s'apparentait dans ce cas de figure à une humiliation qu'il tentait de digérer pour ne pas perdre la face devant le professeur, et pour ne point laisser transparaître quelque forme de culpabilité. Alors, pour se requinquer la maîtrise un peu malmenée, il sortit un cigare qu'il alluma, la fumée de sa bouche effleurait la tête de son interlocuteur qui restait imperturbable ; il focalisa son attention sur le passé glorieux de ses triomphes sur le champ de bataille de Makoko, où il défît le chef rebelle Ataku Pika Masasi bien que celui-ci avait un effectif valant trois fois le nombre de ses hommes. Un exploit qui ravit son père, jusqu'à le nommer chef d'état-major des armées. Son exploit fit de lui un des confidents partageant les arcanes du pouvoir avec un cercle de fidèles des fidèles, dont s'était entouré son père depuis belle lurette dans ses projets, alors mirobolants de prendre le pouvoir depuis le maquis de Rafiki, à l'Est du Ronco. Ces souvenirs lui procurèrent une subite assurance, qui envahit tout son être, et sa voix devint ferme et incisive :  
- Non, ni de loin, ni de près je ne suis lié à la mort de mon père...ses assassins ont été arrêtés et déférés devant les tribunaux...j'aurai dû les faire tous exécutés, mais, avec ces organisations de machin...des droits de l'homme, le pays pouvait subir de discrédit inutilement, surtout pour la valeur de ces institutions. Pourquoi cette question...pourquoi me la poses-tu? Ses yeux rouges à cause de la fumée de ce cigare regardaient le visage dodu de son druide comme d'un air menaçant sans porter un quelconque incidence négative sur son calme transcendant.
- Des songes comme ceux-là ne sont liés qu'à une âme égarée, arrachée inopinément de le terre des hommes, dont le sang est assoiffé de vengeance...peut-être que ce n'est qu'un esprit abusif voulant perturber la vie du président. Alingi koloka (il veut t’ensorceler)... Nous devons faire des cérémonies pour endiguer tout ça, que ça cesse une fois pour toute, répondit le professeur d'un air sérieux, le visage bouffi par un doute qu'il cachait mal.

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