Dans un Starbucks non loin du boulevard Grancy, le matin à Lausanne...

Des mots sont de la rue, le soleil est présent, les hommes dorment encore, et le boulevard Grancy voit à peine quelques voitures. La gare subit déjà les va et vient des trains et des passagers. La voix qui avise des arrivées et des départs retentit sans arrêt des hauts-parleurs. Le jour commence à prendre corps le matin à Lausanne, les gens sont pressés, leurs pas hâtifs en sont la preuve. Les restaurants se remplissent pour un petit café rapide, des succinctes conversations sont entamées avant que les portes de bureau ne s'ouvrent. Sur les tables où ils sont accoudés, des mots s'échangent parfois entre des visages graves, des airs tendus aussi, les traits se renfrognent, des mines pensives émergent, et quelques fois des sourires s’aperçoivent avant que ne dégoulinent les contenus de leurs tasses dans l’œsophage. L'ambiance se chauffe au fil des temps, mais la timidité semble têtue; la réserve semble être de mise, l'instant ne cesse de paraître terne, j'entend dire que c'est un attribut d'ici, cette froideur perceptible dans les attitudes loin des effervescences tropicales caractérisant les personnes entre les tropiques, ici le tempérament est tempéré comme le climat malgré le suave parfum de café qui induit l'atmosphère.  
La voix qui draine les paroles entre les personnes est basse, un peu triste à mon goût; ce ne sont que des murmures que je perçois suscitant dans mon esprit une timide immersion dans l'instant, ma raison se remplit de circonspection et ma personnalité se voile d'un paravent comme pour se conformer  à l'atmosphère ambiante. Dans mes tripes bouillonnent un enthousiasme du seul fait de vivre, cette aptitude à être conscient de ce que vaut le présent, à palper ses bénéfices comme ses inconvénients, de sentir le souffle du vent qui passe sur la peau lisse dont la surface essaimée de poils se voit attendrie par cette caresse invisible. Assis au fond de ces mètres carrés où se situe ce restaurant, je vois tout le monde, les gestes de chacun me dit plus que les mots que j'aurai pu entendre, j'essaie de lire dans la gestuelle; un exercice dans l'interprétation approximative dont le résultat n'est pas une garantie absolue, juste un à peu près. 
Dans ma tête défilent des pages de livres cherchant des mots pour poser sur cet ensemble des murmures et des gestes que mes yeux et mes oreilles perçoivent dans ce tumulte indistinct du Starbucks. Attablées en solitaires le café bien fumant, quelques personnes feuillettent un roman ou un journal, le regard bien noyé dans le papier imprimé, sous leurs yeux se succèdent sans désemparer des lettres et des mots que leur lucidité capte avec perfection; parfois, on peut les voir acquiesçant d'un mouvement de tête à travers la lueur feutrée émanant des lampes éclairant le lieu où nous sommes installés. Mon carnet posé sur la table, je tente de saisir la somme de chaque instant individuel sous mes yeux pour en faire un texte.

Commentaires

Articles les plus consultés