N'kubu fuit la guerre de la cité des mines, près de Bata Kiela...

N'kubu s'était réfugié dans la savane de Bata-Kiela où il avait été à maintes reprises chasser avec son grand-père, qui fut un ancien combattant dans la force publique. Dès les premiers coups de feu entendus dans la cité, il était sorti pour s’enquérir de la situation, rencontrant dans cette quête, les éléments de la police nationale entrain de battre en retraite dans un sauve qui peut digne d'un lièvre apeuré par les aboiements des chiens et les bruits de botte de chasseurs. Les policiers, dans un élan de plus que survie, s'accaparaient les voitures des taximans nocturnes au nom de la réquisition d'utilité publique pour détaler. Une foule immense affluait des quartiers d’où retentissaient des tirs interrompus d'armes automatiques. Des femmes, des enfants et des hommes réveillés de leur sommeil, vêtements dépenaillés pendant sur les corps, la mine défraichie, hirsutes, les yeux hagards, fuyaient dans un indescriptible brouhaha déchirant le calme des premières heures du matin. Une cohue marchant d'un pas hâtif, remplie de peur, traçant avec impudence ses marques sur leurs visages, des familles entières alignées se précipitaient pour fuir la mort, qui s'était annoncée dès les premières lueurs de l'aube, imbibant d'aigreur cet instant qu'elle peignait maintenant de sa teinte bien lugubre. Des petits colis pendant sur les têtes, pris à la va vite, constituant certainement des objets utiles et précieux de leur existence que la circonstance ne savait effacer de leur conscience et de leur mémoire : des petites et des grandes valises, des ustensiles de cuisine, des appareils électroménagers, des meubles aussi, tous constituant des fruits des durs labeurs qu'il n'était point possible de les abandonner à ce triste sort, valait mieux de les sauver autant que la vie, parce qu'ils valaient des sacrifices consentis.
La ville était secouée de tous bords, les gardiens de la paix étaient entrain de prendre la poudre d'escampette, abandonnant dans un engouement contre déontologique les fonctions qui étaient les leurs. Les yeux écarquillés, N'kubu essayait de contenir sa stupéfaction et sa peur, il fallait organiser le salut des siens. Rebroussant chemin en courant, il se précipita dans sa maison cognant dans une incontinente vitesse un bassin où l'eau de pluie avait été consignée pour un usage ménager, le liquide s'agita de tous bords dans le récipient jusqu'à mouiller le pavé; intima l'ordre à sa femme hébétée avec son pagne noué à la poitrine, épaules nues, qui le contemplait de réveiller leurs deux filles. 
Ses mots étaient articulés dans une volubilité, qui ne laissait aucune occasion d'avaler la salive, et de respirer entre deux phrases, une frayeur tropicale emballait le rythme de son cœur,  d'autant plus qu'il se racontait de la bouche des déplacés que ces rebelles se sont permis toutes les libertés de derrière la braguette sans tenir compte de l'age du sexe opposé, tout ce qui paraissait féminin, avec un corps plus ou moins affirmé dans cet attribut naturel n'était point épargné.
Il prit sous son lit sa tirelire de bois où se trouvaient garder ses modestes économies, rangea un couteau de cuisine dans une des poches de son pantalon au cas où il lui faudra protéger les siens. L'innocence de ses petites filles le comblait de consternation et de bravoure, il éprouvait de la peine quand il se remémorait les mots qu'il avait entendus sur les exactions qu'avaient vécu les enfants comme les siens, les femmes et les vieilles dames.

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