Le centre de Lausanne by night...


Des voix impudentes déchirent le silence de la nuit, la quiétude de minuit est malmenée. Des jeunes reviennent d'une escapade nocturne, ils sont bien bourrés, les visages flasques et les pas lourds. De leurs bouches, ne sortent que des grossièretés et des métaphores remplies d’obscénités, qui ne manquent pas cette capacité de susciter de l'admiration malgré l'essence qu'elles drainent. C'est un groupuscule de cinq individus dans les bras de Bacchus qui leur dicte le moindre geste depuis qu'il se sont enivrés dans le plaisir de sa messe, où la raison se dilue pleinement dans l'extase de délices de la désinvolture. De ma fenêtre, je les vois criant dans une liberté décontenancée et sans retenue, il s'entend même ruisseler un liquide sur la paroi innocente d'un mur, un homme se permettait de décharger sa vessie, sous la lumière des lampadaires un trait comme un fil soyeux se répandait sur le pavé. Des filles les ont rejoint, les mots de plus belle retentissaient dans un ton encore plus libertaire.

Une patrouille pointa son nez depuis l'avenue jouxtant ces jeunes bien ivres, qui semblèrent subitement reprendre conscience, leurs yeux s'illuminèrent d'une raison comme ressuscitée, même les gestes se remplirent de bon sens. Les policiers prirent plaisir de ralentir à leur hauteur, en les regardant d'un air transpirant d'une curiosité adipeuse que tout en eux parut bien assagi. Dès que la voiture de police disparut, un rire strident et long retentit jusqu'à enclencher une cascade de rires ininterrompus, qui brisa de nouveau le calme dont la nuit était si bien revêtue. D'un petit sacoche à coté, des canettes de bière sortirent, de main en main elles passèrent jusqu'à ce que chacun en possédât. Des gorgées s'avalèrent à l'unisson, d'autres à compte gouttes, loin de boire en suisse; tout le monde s'assit au-dessus d'un prémonitoire en béton sur le perron de l'église St Laurent sous le bienveillant regard de ce grand portrait de Martin Luther King, qui en couvre le frontispice.

L'instant était redevenu calme, les jeunes ne parlaient, paraissaient pensifs avec leurs clopes pendant sur les lèvres, la fumée blanche telle une raie ciselait l'obscurité de la nuit. Ils réajustaient chacun son blouson, la température baissant, le froid sévissait doucement sur l'instant; ils échangeaient maintenant à voix raisonnable, puis se levaient dans un geste engourdi. L'heure de bouger avait sonné, les accolades et les poignets de main se donnaient comme dans un ultime effort, ensuite le groupe se dispersait vers les confins de Lausanne.

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