Le rêve parlementaire du président...

Le lendemain, il devrait faire un discours sur l'état de la nation. Un instant où il lui fallait rendre compte de ce que son gouvernement a pu faire pour le peuple. Un exercice devenu routinier où il ferait l'énumération de travaux en cours dans la perspective de faire du pays, un des états modernes du continent. Des travaux en longueur pour une  modernité promise, dont l'accessibilité ne serait disponible que pour bien des générations futures, dont la durée ne semblait point se préoccuper du temps, pour lesquels la patience était la meilleure vertu pour en espérer le bénéfice illusoire ; du moins en percevoir les réelles perspectives pour les bons rêveurs, ceux qui étaient à même de voyager dans le futur quand leurs paupières se refermaient sur leurs yeux. Il avait en conscience que, de nouveau, ces mots contenus dans son discours n'étaient point nouveaux, d'ailleurs, le discours en lui-même n'était qu'un remake de celui de l'année passée. Il avait déjà perdu les gênes, qui le dérangeaient lorsqu'il a commencé à se plier à cet exercice de démagogie, dés les premières années de son accession au pouvoir. Avant, cette mascarade était embarrassante pour sa conscience, quand il lui en restait encore une modeste portion, car, la carrière militaire lui en avait ponctionné une bonne partie. Il revoyait des mots qu'il devait prononcer ...résonnant avec intermittence dans sa tête. 
Croissance économique, développement des infrastructures, émergence de notre grande nation, moteur indéniable d'une Afrique d'espoir, optimiser le bien être du peuple, rendre fluide l'exercice des libertés démocratiques etc...des mots pertinents que sa bouche récitait d'une voix douce dans le silence de la nuit au milieu de son luxueux lit en bois ; un lit qu'il avait fait fabriquer sur commande, en se retournant de part et d'autre de son matelas, la citation de Fanon traversait comme une comète son subconscient ivre de sommeil : l'Afrique a la forme d'un revolver dont la gâchette se trouvait au Ronco. Un friselis d'enthousiasme ne put s’empêcher d'imprimer un sourire sur son visage endormi, il était détenteur de la gâchette de l'essor continental, comme sur le champ de bataille où une détonation ne pouvait retentir qu'avec sa permission, où des milliers de gâchettes ne dépendaient que de son autorité de commandant des armées ; de celle de terre, de l'air, et de l'eau.
L'armée de terre était d'une évidence irréfutable dans le pays avec tous ces militaires, kalachnikovs en bandoulière et à la tenue débraillée, sillonnant la ville comme des hommes en quête d'une assignation autre que celle qui leur était dévolue par leur fonction, quant aux armées de l'air et de l'eau, elles n'existaient que dans la fiction de l'état moderne dont il était l'incontestable président. Au milieu de la nuit, son ventre grogna d'un long bruit, des gaz se mouvèrent dans une aisance désinvolte dans ses intestins présidentiels, sans respect dû à son prestige de chef. Le fonctionnement du métabolisme humain était le meilleur dénominateur commun que nous avions en partage malgré la différence de nos statuts sociaux. Une forme d'égalité que la nature nous imposait. Cette nuit, le sommeil du président était parlementaire.

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