Le président en réunion de sécurité...

En tant que guerrier de la république, devenu le plus haut gradé de l'histoire militaire depuis son accession à l'indépendance, ayant plusieurs fois été confronté aux hordes rebelles qu'il traitait comme des égarés de la patrie, Gariba reçût la nouvelle comme un affront à son acquis le plus précieux qu'était la paix ainsi retrouvée avec son avènement à la magistrature suprême. Sans se retourner, il acquiesça d'un signe de main levée à la proposition qui lui avait été faite. La salle de réunion était pleine quand il apparut bardé de sa tenue de chef des armées qu'il n'avait plus porté depuis la mort de son père. La tête coiffée d'un béret vert, le ceinturon pressant son ventre extasié de graisse où les abdominaux d'hier avaient été évincés par une bonhomie de plus en plus croissante, qu'il se rendit compte de la déchéance de cette souplesse qui avait caractérisé ses gestes quand il arborait cette tenue jadis.  Tirant sa chaise pour s'asseoir, un holster de cuir vert, en harmonie avec sa tenue, laissait entrevoir un magnum 357 argenté qui reflétait timidement les lumières de lampes. Une belle harmonie de couleurs s'affichait sur son corps adipeux bien couvert de cette tenue semblable à celle qu'arborait Fidel Castro, un de ces idoles.
D'une voix pleine d'autorité, il intimait l'ordre que tout le monde s'asseye et, avant que le postérieur du ministre de l'intérieur n'ait pu coller sur le siège, de nouveau, la voix du président lâchait d'un ton invectivant  :
-  Toi, tu ne peux pas t'asseoir, nous sommes là pour t'entendre, t'écouter, et dire que cette attaque semble surprendre les services que tu es censé coordonner...putain d'universitaire, maître de la prévision, bien surpris dans ces théories d'administration des services publics...bon...nous t'écoutons Professeur !
Un peu embarrassé, le ministre Gabisha, de la même ethnie que le président, interrompit son mouvement, le postérieur suspendu au-dessus de la chaise, tous les yeux rivés sur sa personne parurent le surprendre, son visage s'éclaira d'une lumière vive, car, il comprit qu'il pouvait perdre la face s'il ne rehaussait pas le défi de l'instant. Conscient d'avoir des détracteurs silencieux dans le gouvernement, il sortit de son attaché-case une pile de papiers. Il se racla la gorge d'un trait portant la main sur la bouche. Redressant son torse, son regard parcourut la salle d'un air confiant, il se mit à parler.
- Tôt le matin, des éléments armés venus des savanes du sud se sont infiltrés dans la ville des mines après avoir tué des policiers du poste de police, le plus proche de la frontière, et ont occupé pendant quelques heures le centre-ville. Mais, grâce l'action rapide de la 85éme brigade de commandos, avec le général Mboma Mutu à leur tête, le calme a été rétabli rapidement. A l'heure où je vous parle, les forces armées de la République font des opérations de ratissage dans les environs de la ville, conclut le ministre, fier de son exposition que son visage illuminé d'un enthousiasme tacite.
Peu satisfait, le président élevait une objection en kusu, un dialecte que seuls, lui, le ministre et les gardes du corps pouvaient comprendre dans cette salle, interrompait par la même occasion la réunion en se levant sans aviser l'assistance. Il venait de convier le ministre à une conversation en aparté.
- Comment peux-tu me surprendre par cette nouvelle en même temps que tout le monde ? Ne sais-tu pas que je t'ai mis là pour me garantir aucune mauvaise surprise dans ce domaine si délicat en Afrique ? Je sais que Idi Amin avait son oncle pour superviser sa sécurité et celle du pays, c'est un secteur où la confiance doit être infaillible... il n'avait pas tort, ,. tu es là d'abord pour m'informer avant les autres, à mon service. Qu'est ce que c'est cette histoire de la 85éme brigade du général Mboma Mutu? Qui a donné les injonctions pour mouvoir les troupes à mon insu ? Tu étais au courant toi ! finit-il par exclamer à la fin les mains posées autour de la taille faisant des va et vient incessants.

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