Le président se fait expliquer la situation...

Pétri de calme précaire, le ministre regardait le président marcher en marmonnant des phrases et des mots indistincts. Ses mains, le long du corps, se serraient et se desserraient interminablement. Ses talons retentissaient sur le pavé dans un intermittent rythme, des coups saccadés comme une batterie accompagnant une mélodie d'Afro Beat. Puis, tout s’arrêtait dans une quiétude inquiétante, une tension perceptible semblait précéder un orage, qui paraissait venir à pas de tortue, mais dans une assurance, dont il n'était point à douter. Les yeux fixant les rideaux de soie pendant jusqu'au ras du sol, le président venait de lâcher une question triturant son esprit.
- Qui a donné l'ordre au général Mboma Mutu de mouvoir les troupes jusqu'au lieu de l'agression ? Qui a donné l'ordre de sortir les munitions ?
Pendant que le ministre entamait sa réponse, Gariba semblait suivre, ses mains se croisaient ainsi sous son menton bien glabre et doux comme les fesses d'un nouveau-né, serrant les molaires. Son regard encore plus fin observait les dessins brodés sur le tissu de soie, s’entremêlant les uns dans les autres pour former un dragon crachant du feu. Dans cette colère en ébullition qu'il tentait de contrôler, à peine il se rendait compte de la subtilité artistique dont était pourvu ce tissu devant lequel il passait et repassait sans vraiment se préoccuper de ces belles images qui ne contrariaient pas l'aisance de son esprit. Le charme de ce mélange sur ce tissu bien brodé l'emballait momentanément dans une distraction impromptue qu'il ne saisit rien de toute la longue explication de son ministre de l'intérieur. Le crissement d'une porte le ramenait subitement à l'instant présent dans une stupéfaction contenue qui lui fit écarquiller les yeux.
- Je ne t'ai pas bien saisi, qu'est-ce que tu as dit ? répéta le président toujours le dos tourné au ministre, maintenant cette fois une attention maximale pour que rien ne lui échappa, se forçant aussi de récupérer cette montée d'adrénaline qui s'était volatilisée dans la contemplation artistique, qui s'était immiscée dans son esprit avide de susciter la peur que l'admiration : la phrase de Machiavel était une maxime qu'il ne cessait de pratiquer dans chaque rapport, fusse-t-il laconique, qu'il pouvait avoir avec ses collaborateurs. La voix, cette fois tremblotante du ministre, s’efforçait de reproduire les mots et les ponctuations dans la même exactitude que la première version, question de constance, pour ne point être pris en flagrant délit de confusion.

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