Avant cette altercation dans le train...

Une petite secousse se fit entendre, la rame bougea, le train se mit en marche ; la fermeture éclair de ma mallette à l’effigie du syndicat de gauche « Unia » à côté me tentait pour une séance minime de travail, fût-t-il que le trajet à parcourir était court ; une envie de travailler me traversait l’esprit, me titillait sans cesse dès qu'une forme d’indolence pouvait s’incruster dans mes instants. Je sortis de mon sac, mon ordinateur que je posais sur la tablette en face de mon siège, avec les turbulences de la rame sur le rail, j’étais obligé de caler la machine à l’aide de mes mains pour qu’elle ne tomba pas. Les yeux face à l’écran, les mots s’écoulaient en sens dessous dessus dans les dédales de mon imagination, des textes se construisaient et se déconstruisaient ; il fallait trouver des sons et des tons sans occulter le sens. L’écran blanc était aussi troublant que la surface d’un papier blanc, une modeste hésitation traversait toujours, me semblait-t-il, celui qui s’apprêtait à en violer la virginité. Pour transcender cette timidité qui s’imprimait dans ma tête, je regardais autour de moi pour être fécondé par la multitude d’attitudes, qui peuplaient mon périmètre immédiat. Mes doigts se posaient sur le clavier, d’abord hésitants, puis remplis de confiance, je griffonnais avec une allégresse instinctive, sans trop penser, les compositions stylistiques et lexicales s’étalaient dans un automatisme presque naturel, plus de tracas dans mon cerveau, tout était bien fluide, l’inspiration s’était bien fluide comme de l’eau sortant de la roche enfouie dans le creux d’une montagne.
Juste au moment où le premier paragraphe se terminait, une voix rauque et douce m’était adressée avec politesse. « Monsieur, puis-je voir votre billet », m’avait dit le contrôleur, l’homme accusait une excellente mine sur sa taille de plus d’un mètre quatre-vingts, son visage n’affichait aucune émotion, bien impassible, il me regardait sortir de ma poche le bout de papier qui valait le coût payé de ce trajet que m’assurait la compagnie de chemins de fer. Entre ses mains, il inspecta le billet pendant quelques minutes et, enfin ses lèvres se fissuraient pour se laisser filtrer un sourire de satisfaction. Il inclinait d’un trait sa tête puis continuait sa ronde de contrôle.

Quelques instants après son passage, j’entendis sa voix retentir bien tonitruante, avec une rage perceptible, à côté d’une autre bien hystérique et féminine : les deux s’entremêlaient dans un dialogue indescriptible attirant l’attention même des plus indifférents d’entre les passagers. Des personnes commencèrent à se lever pour s’enquérir de la situation, un attroupement commençait à boucher le couloir, et les voix ne cessaient de s’invectiver. Je décidai de ranger mon cahier électronique pour aller aussi voir, ainsi assouvir ma curiosité que je ne savais plus ignorer. En arrivant non loin de l’endroit de l’altercation, j’apercevrai une belle demoiselle qui s’accrochait à son siège, refusant d’exécuter l’ordre qui lui intimait le contrôleur de le suivre manu militari. Elle avait rougi les mains agrippées sur les accoudoirs malgré les efforts de ce balaise, qui tentait de les en arracher. La scène m’offusqua, mais je m’abstins de quelques ingérences, que des réprobations comblaient mon esprit avide de justice, je me sentais bien impuissant de changer quoi que ce soit, alors je regagnais ma place, mettais mes écouteurs sur mes oreilles pour écouter de la musique afin de m’éloigner de cette brutalité, qui me rappelait celle que j’ai vue et vécue dans ma vie antérieure dans le beau pays d’où je venais.       

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