Philosophie sur un chat qui miaule...

Le chat avait carte blanche pour terroriser les autres bêtes que pouvaient inféoder ses griffes et sa puissante mâchoire. Il régentait ainsi à sa guise la pauvre vie des oiseaux et de petites souris, qui s’aventuraient dans le petit périmètre de mon jardin où trônaient des flamboyantes fleurs qu’avait bénies le beau temps que ramenait le printemps. Le chat tapissait sur l’herbe, croquait l’oisillon avec appétit et avec minutie. J’entendais broyer des os par ces petites dents, sa gueule s’activait avec dévouement à la tâche pour remplir sa panse, reléguant ainsi le pauvre destin de l’oisillon dans le registre de défunts. Quelquefois, il passait ses griffes entre ses dents pour se curer ou encore sa langue léchait les poils pour ne point laisser des traces de sang sur son pelage gris et noir qui brillait sous la lueur des lampes du jardin.

Quand il finit sa tâche assassine et nourricière, le félin s’entendit un instant avec un étirement de ces pattes d’avant, puis de ses pattes de derrière après. Sa démarche gracieuse, il entama son élégante marche le long de l’enclos herbeux, puis disparut. De la dépouille du pauvre oisillon, il n’en restait plus que des plumes éparses sur le gazon. Des gouttes de sang aussi étaient perceptibles. Je retirai un balai de mon garage dont la porte était ouverte et regroupai ce qui restait de la victime du félin pour enterrer le tout dans un trou. C’est ainsi qu’était le monde animal, et dans la seconde qui suivit le groupe d’oiseaux de la même espèce avait posé patte à l’endroit du crime picorant avec allégresse et insouciance, comme si rien ne s’était passé, déjà le souvenir du défunt, le leur, était très loin dans leur mémoire instinctif ; enfoui dans les dédales de leur cerveau où trônait l’instinct que la raison.
Il commençait à faire nuit, une certaine fatigue s’incrustait dans le corps, j’ouvrais la porte de la maison et y entrais. Je pensais à l’héritière du dictateur, à la yaourtière, à la mort tragique de l’oisillon et au chat moelleux. La journée n’a pas été fameuse, me dis-je quand je montais sur mon lit les yeux fixant le plafond avant que Morphée ne m’amène vers les rivages de son monde apaisant.
Dehors, il faisait noir et bien frais, des gouttelettes écrasaient timidement sur le pavé, un vent faisait jouir et bruire les pétales des fleurs extasiées, quelques vrombissements ciselaient le silence de la nuit. Au loin, dans l’obscurité, j’apercevais des lampions sur la colline d’en face de celle où j’habite, pensant à d’autres chats qui, peut-être, ont connu un festin pareil à celui qu’a vécu le chat, qui, me semblait-il, avait décidé de squatter mon jardin pour en faire un terrain de chasse.
Dans les tréfonds de mon sommeil, bien tard dans la nuit, j'entendais miauler…un cri qui me restait coincer dans la tête toute la journée qui a suivi ; il se répétait dans l’inconscience de mes pensées avec intermittence : « miaou, miaou, miaou… » 
Était-ce un sortilège que j’étais en train de vivre ? Mon instinct animiste se questionnait ; l'intellectuel et sa rationalité doutaient de ce que disaient les rites traditionnels quant à l'interprétation des signes, mon instinct animiste me parlait sans cesse, et je ne savais l'ignorer.

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