Retour crépusculaire à Lutry...
Le jour s’éteint lentement, le crépuscule
éconduit sa lumière au bagne, d’un bleu azur se colore le ciel, l’ombre de la
nuit plane, la montagne profite de cette lueur évanescente du soleil pour
étaler toute l’élégance de son charme qu’enveloppait la nuée depuis le matin. À
Lutry, le regard s’enivre de cette splendeur vespérale qui couvre les instants où
tout s’adoucit, nul besoin d’attendre que ne s’éteigne le bruit de la vie, mais
aussi, aucune oreille ne sait ne pas
percevoir le silence rampant et grandissant à travers les vignes. L’enseigne
plus qu’évidente de la nuit imprime son signe conquérant : l’obscurité
caractérisant les moments nocturnes. Les cygnes somnolent, les oiseaux ne
chantent presque plus, se consignent dans leurs demeures, les espaces publics
paraissent orphelins, la solitude règne. La petite gare de Bossière reste seule, ses
murs semblent tristes de souvenirs qu’ils ne savent raconter à personne, les
arbustes nains de vignobles attendent avec impatience que souffle la brise du
soir ; dans une entente rechignée, ils acceptent que les murs de la
vieille gare leur susurrent ses souvenirs, qui leur chatouillent la langue sans
qu’ils enfreignent la finesse qui caractérise la douce accolade que leur fera
le souffle du vent parcourant la petite bourgade paisible dans les bras de
Morphée à présent. Le calme ceint les collines où scintillent des petites
lumières pendant que le froid emballe la soirée de sa tendresse congelée ;
dans cette quiétude dont est si bien imbue le temps, il s’entend le bruit
défilant à sourde et sournoise vitesse du train qui joint le pays de bout en
bout mettant les uns et les autres face à face, scellant la commune appartenance
des hommes et des femmes de ce pays où le fromage est une fierté nationale.
Dans le train qui me ramenait à
la maison, j’observais avec une timide admiration ces barres de fer paraissant
oxydées lorsque nous sortions de la gare de Lausanne avant d’atteindre Pully
Nord : elles partent dans tous les sens pour désenclaver les collines et
les vallées constituant la topographie de la nation helvétique. À la première
station de train, d’énormes colonnes de béton supportent des rampes où passent
les passagers entrant et sortant du quai, presque désert aux premières heures
de la soirée ; dans la rame, ce n’est de l’hospitalité, ni de la
convivialité, encore moins de l’indifférence, concentrés et concertés sur leurs
propres expériences, les hommes et les femmes semblent cogiter, des fois s’entend
retentir cette voix automatisée avertissant l’approche d’une gare, et quelques
passagers se levaient. Entre Conversion et Bossière, le train est perché, sa
voie a été tracée entre deux collines rocailleuses qui se font face ; elle
enjambe la vallée par un pont métallique d’où s’aperçoit une rivière aux eaux
limpides qui coulent fastidieusement sur les roches paraissant bien vertes
puisque colonisées aux algues. À Bossière, la petite gare est modeste au milieu
des vignes, une saillie de ciment et de tuiles presque dépaysée sur la pente
verdoyante en face des eaux du lac Léman, elle offre comme ses consœurs une imprenable
vue des eaux capricieuses du lac se coloriant au gré de sa volonté millénaire
depuis qu’il avait élu domicile au creux de la montagne. Sur le petit sentier
en asphalte que j’empruntais pour regagner la maison, mes yeux contemplaient
combien la main de l’homme avait façonné ce terrain accidenté pour en faire un
espace où il fait bon vivre. Mes pensées tristes se rabattaient sur ces quartiers
de Kinshasa, avec une topographie similaire, que les pluies diluviennes malmènent sans cesse causant moult dégâts
matériels et humains.
Commentaires
Enregistrer un commentaire