Un souvenir triste de la Salonga en Italie profonde...

C’est le printemps, un soleil magnifique brille dans le ciel clair, le vent balaie avec tendresse les herbes reverdies, la plaine se laisse subjuguer par les montagnes qui apparaissent pleine de charme dans leurs tuniques de roche et neige qu’aucun œil ne sait apercevoir.  En l’air, s’entendent bruire les feuilles, qui se frottent, se caressent, se froissent, se mêlent, s’embrassent sous l’impulsion de la brise qui provient de la vallée. Le silence reste prépondérant, une agglomération semblait peinte entre les vertes terres bien dessinées comme de la main d’Alexandre Martin.
Elle marche d’un pas plein de lenteur, titube, des larmes de Crystal brillent sur ses yeux. Les joues se font accueillantes pour attendre cette probable pluie, mais elle pense que pleurer est un abandon, une porte ouverte au désespoir qu’elle ne veut point afficher. Elle avait survécu à bien de maux depuis ses contrées infernales de son pays où la chair est charcutée sans états d’âme, les crimes s’amassent et les plaintes se multiplient, l’insécurité se perpétue sans désemparer. 
Sur le versant de cette colline, une odeur de terre humide s’élevait depuis les racines lui rappelant celle des collines la ville qui l’a vue naître. Dans une prairie jouxtant le sentier sur lequel elle marchait, des vaches broutaient paisiblement, la queue se remuait pleine d’allégresse balayant les airs pour écarter quelques insectes. Son visage marqué de fatigue, le regard apeuré, son esprit hésitait à traverser cet espace dépourvu d’arbres et de bosquets pour s’embusquer.
Dans l’une des cabanes se percevaient des voix d’hommes, des bruits de travaux : des outils s’entrechoquaient, des bêlements retentissaient de temps en temps, des rires aussi assaisonnaient ce tintamarre. Des voix masculines l’effrayaient, elles lui rappelaient des souvenirs…des tristes souvenirs. Sa mémoire lui déballait le passé à la fois récent et lointain. Assise sur le bord caillouteux de cette route, des rayons de soleil traversaient les branches agitées légèrement depuis les hauteurs affamées d’embrasser le bleu azur coloriant le ciel avant le crépuscule. La journée tendait vers sa fin, son angoisse augmentait, car le froid s’accroissait. Sur le corps, elle n’avait que cette chemise de coton déchirée et sa jupe dépenaillée dévoilant ses jambes galbées. Une pression acérée ciselait le fond de son cœur telle une incise qu’elle sentait déchirant son âme, qu’elle ne put contenir les larmes qu’elle était arrivée à retenir.
Dans sa tête, des pas parcouraient la forêt, des consignes se transmettaient de vive voix ; des militaires, ivres de colère, circulaient dans le périmètre de Kamituga. Les crépitements de Kalachnikovs avaient brusquement couvert le paisible moment de la journée, surprise par ce tournant des événements, elle s’était planquée non loin du champ de sa mère où elle avait été envoyée pour récolter des tubercules. Au milieu des kambalas, d’afromosias, d’acacias cherchant un peu de lumière que recouvraient les branches des arbres millénaires, qui ont vu défiler ses aïeux, pendant la quête de  Livingstone par Stanley jusqu’à leur rencontre de Udjidji, elle tremblait de peur sur le tapis vert fait de broméliacées, géraniacées, acéracées, illuminant de couleurs chatoyantes de fleurs bien induites de sève  et de bonne mine.

Une voix rêche la surprit et l’obligea à sortir de sa cachette fondue dans les herbes. Le canon menaçant d’un tokarev la bouscula en s’enfonçant dans la fente de son postérieur. Une foule de treillis s’accumula comme un essaim de mouches autour de sa personne, des mains s’agglutinèrent avec entrain sur son corps charnu. 

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