Le gouverneur et le caniveau...

Les oisillons sont en alerte depuis qu'un souffle de vent fort traverse l'arbuste où ils sont installés, les branches sont secouées de tous bords, les feuilles s'embrassent, bruissent dans un frottement à la fois tendre et brut. Le ciel s'est obscurci complétement absorbant toute la clarté que le soleil avait déversé dès tôt le matin pour que les hommes jouissent pleinement du jour. De temps en temps, un éclair fendait la sombre teinte qui emballait les nuages, donnant une impression lugubre et apocalyptique aux instants, des gouttelettes d'eau venaient du ciel à présent, elles étaient rapides, abondantes, mais ce n'était pas encore la pluie, un bruit assourdissant accompagnait les prémisses de cette averse qui sut disperser les attroupements dans les rues ainsi que les passants. Plus qu'une certitude, un orage allait bientôt remplir d'eau toute la cité, nous en avions l'habitude, et il fallait prendre des précautions pour que le sinistre soit minimisé, car nul ne pouvait ne pas y faire allusion bien que c'est en grande pompe que le gouverneur avait inauguré le grand canal construit par les chinois avec la prétention que toutes les eaux de pluie n'auront pas d'autre choix que de s'y engouffrer comme une proie affaiblie dans la gueule d'un boa. 
Balivernes!avions-nous crié dès que nous avions entendu ces mots du numéro un de la ville, nous savions que les travaux ont été fait avec une bonne dose de corruption, de prévarication et surtout de dilettantisme de la part de l'entreprise chargée pour ce faire. Alors conscients et conséquents que nous étions, nous essayions de ne point nous fier au cirque que nous offraient les autorités du pays depuis le président de la république jusqu'au huissier de l'administration publique pour qui les charges publiques n'équivalaient qu'à une moisson, pour se satisfaire dans la meilleure de vie dont rêve tout individu sur la terre des hommes, mais la leur n'était possible que sur le dos du pauvre peuple qu'ils étaient censés servir. 
La pluie tombait déjà en trombe, les rues se remplissaient petit à petit des petits ruisseaux qui ne cessaient de croitre, nous observions cette crue espérant qu'une fois, peut-être, que le gouverneur eût dit vrai, qu'il eût raison rien qu'une fois quand il évoquait les prouesses aux quelles nous devrions nous attendre en inaugurant son grand caniveau, malheureusement, il en fut autrement. Les eaux montaient sans désemparer submergeant totalement les rues, commençaient à remplir aussi les parcelles, jusqu'à finir par infiltrer les maisons. De l'eau se mouvait maintenant dans toutes les pièces jusqu' cinquante centimètres du sol, heureusement que nous avions été prévoyants comme à l'accoutumé: le courant électrique avait été interrompu, les appareils électroménagers surélevaient ainsi que tout ce qui était fragile à l'eau. Nous espérions plus que cette pluie cessa pour que nous puissions reprendre notre train de vie quotidien, ponctué des annonces merdiques comme celle du caniveau inauguré par le gouverneur.
Nous n'étions pas dupes, nous savions que tout ce qui se faisait dans le pays n'était que prestidigitation, un destin qui se peignait avec tant de légèretés que ça n'engendrait que des dessins tragiques, mais ceux qui gouvernent en avaient cure. L'ivresse du pouvoir et de ses abus les emportaient. Ils n'étaient plus que saouls du pouvoir.

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