Depuis les hauteurs de Lutry, le poète s'inspire...
À vol d’oiseau, le lac s’ouvre,
grand, et la nuée au-dessus des eaux se fend, libérant tout le charme du
liquide vert dans le creux de la roche surplombant Lausanne, s’enfuit alors dans
la brume un vent, qui perce le ciel jusqu’à déplacer les nuages au gré de son
souffle hiératique. Depuis les hauteurs sempervirentes, la caresse de la brise
susurre la parole au mutisme dont se couvre l’élégance de la nature, que l’esprit
décrypte dans le silence, attisant sa pleine communion avec les confidences que
se font les fleurs, égayées par l’allégresse de combler les instants de mille
et une couleurs que ravive un soleil omniprésent le jour. Alpage se
construisant aussi avec les inflorescences affirmant le caractère inestimable
que draine ce décor vert juché sur le flanc de la pente dans un ordre
impeccable, dont, rien que la vue incite au bonheur de vivre, de proclamer ivre
cette indubitable foi à la vie, à sa plus simple expression, de palper la
substance précieuse de ce que nos yeux perçoivent chaque jour en toute
indifférence sans que nos cœurs puissent s’en émerveiller. De là-haut, le lac
se fait désirer, brille dans un charisme pérenne ayant saoulé bien d’autres
regards avant le mien.
J’entends bruire la brise partant
de basse pression avec le rêve de se hisser vers les sommets d’un ton annone
pour que l’existence en aspire la substance, que la vie demeure autant que
possible. À la tombée de la nuit, la quiétude est obscure, sa cape se répand et
s’étend depuis les vignes alignées jusque sur les berges désertes, où l’eau et
le vent jouent à la marelle, des vaguelettes vont et viennent sur le sable ou
contre les rochers ; dans ce silence complet, les cygnes dorment, l’encens
des fleurs se libère, s’envole à la conquête du périmètre vidé de toute
présence humaine, s’additionnant à quintupler l’allégresse d’être, de savourer
l’extase à portée de main qui suinte de l’âme du crépuscule à Lutry. Des lampions
illuminent l’obscurité déversée par l’éviction du soleil, la lune s’est faite timide
derrière un ciel qui n’a cessé d’être nébuleux depuis la journée, les étoiles minuscules
scintillent dans l’infinitude obscurité qui couvre la colline comme un arc dont
la boucle s’entremêle avec le bout du lac formant un horizon à la fois
idyllique et esthétique.
En face, de l’autre côté, la
montagne est revêtue d’une brume opaque couvrant sa majestueuse présence, la
beauté de ces pics couverts de neige engloutie dans le noir régnant en maitre
de céans. « Il pleuvine et fait
froid, cela va de soi, c’est la saison, il en sera ainsi m’a-t-on dit », foi
des hommes et des femmes qui connaissent la région où ils sont nés.
Sur la véranda d’où j’observe cette lueur
tendre et ondoyante sur les eaux calmes et paisibles du Léman, je communie dans
un dialogue muet avec la tranquillité pleine que charrie le silence de la nuit.
La plante des pieds nue absorbe toute la paix qui filtre des instants, le corps
expulse tous les maux incommodant la fécondité de l’âme du poète ; ainsi,
comme un rai de soleil perçant l’aube qui évinça les temps obscurs, l’inspiration
se révèle, belle et subtile, à l’esprit du scribe, ainsi sa lettre poétique
peut s’écrire depuis la colline surplombant le vieux port de pêche de Lausanne.
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