Dans la soirée...avant de quitter Begnins...
Sa cape sortie de l’univers infini,
le crépuscule se déploie, avec une assurance tacite, sa main couvre le temps de
sa teinte obscure, quoique la pluie intermittente se soit faite présente depuis
le matin jusqu’à ce que le jour tire sa révérence. Le ciel s’obscurcit, le vent
mugit, le soleil essuie des revers depuis le matin. Des gouttelettes d’eau
tendres humectent le sol, s’aperçoivent en cristal de liquide hyalin sur les
herbes fraîches, pendent sur les lobes de feuilles, coulent avec allégresse sur
la chaussée jusqu’à s’enfoncer dans le creux des égouts où elles sont entendues
bien retentir ruisselant. L’instant est maussade, froid, d’une triste ambiance.
Ça caille. Sur le goudron luisant de ce liquide venu d’en haut, sa coulée
semble bien discrète, seulement, les pneus en révèlent la consistance avec des
éclaboussures lorsque les voitures y passent à vive allure. Dans les vignobles,
tout est verdoyant, les vignes alignées accusent un charme sempervirent qui s’étale
longitudinal et latitudinal. D’une symétrie impeccable, elles paraissent dans
une esthétique qui force l’admiration de l’âme du poète, qui se comble d’inspirations
et de motivations pour décrire tout le potentiel de paix que regorge la belle
image qui peint ses pupilles. Sur le bord de cette chaussée dans la petite
bourgade de Begnins, sur ce vaste terrain incliné peint de vert, où serpentent ces
traits de bitume afin que circulent les hommes, une nuée blanche s’aperçoit
entre le ciel d’un bleu livide et un lac timide au milieu des montagnes
silencieuses et, imposantes derrière leur prestance et force mutiques. L’horizon
me parait être comme le bout du monde, tel une rencontre en toute intimité, bien
scellée depuis la nuit des temps entre ciel et terre afin de se susurrer des
confidences sur le monde qu’ils ont constitué l’un et l’autre comme une seule
et unique entité. L’obscurité se met à peindre le frontispice du panorama où s’extasiait
mon regard de modeste humain, savourant le privilège de sentir encore le plaisir
de ce que vaut la vie dans les petites choses, tellement accessible à chaque
homme, que bien d’entre nous, à force d’en apercevoir chaque jour, finissent en
les classifiant comme anodines. D’irréprochable ubiquité, elles finissent noter
dans le registre presque de la routine. Débout sous ce parapluie, me protégeant
de cette rosée que vomissaient les nuages depuis l’aube, je communie avec les
silences bruitant que lâche tout ce qui se meut dans mes alentours, immobile
comme givré dans le fraîcheur ascendante qui tient le moment, mon esprit ivre
et libre d’exister se répand sur la vaste étendue, qui embrasse les eaux dans
une étreinte presque millénaire. Le soir recouvre le temps, je pense déjà à un repos :
le corps s’assouplir, les muscles trahissent une fatigue de longue haleine enfin
perceptible. Vivement sous la couette et me réchauffer !
Le bus jaune point à l’horizon,
aux emblèmes de la poste, il aborde le virage avec une lente élégance, s’arrête
là où je suis débout sur le bord de la chaussée ; la portière s’ouvre et
j’entre en tendant mon ticket à la conductrice qui me gratifie d’un sourire
bien aimable. Les sièges vides me regardent, les quelques passagers aussi font
pareil, un embarras subit sorti de je ne sais où m’incommode que mes pas
deviennent traînants et hésitants, à peine j’ose lever la figure, je m’assois
finalement à côté d’une blonde avec des écouteurs sur les oreilles, laissant
filtrer une mélodie stridente retentir à l’air libre. Un pincement me traverse
le cœur, mon visage se renfrogne, mais me contiens. Je prends confortablement
place.
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