Une promenade samedi matin entre Bossière et Conversion...


Le silence avait assourdi le temps, aucun son n’était perceptible, le matin était maussade, la pluie avait été annoncée, les hommes s’endormaient encore. Le monde paraissait pétri et fécondé dans une hantise aveugle et muette, qui avait envahi les rues désertes. Les instants s’affalaient avec plaisir dans les mains de l’inquiétude, dont les graffitis invisibles semblaient avoir peint cette angoissante tranquillité depuis les hauteurs de Lausanne. Le monde qui s’était tu depuis la nuit avait peine à se réveiller, avec la lumière du jour qui avait évincé l’obscure lueur de l’aube qui avait succédé à minuit, il s’apercevait, pendus, sur les vignes les fruits mûrs en grappe. Le charme envoûtant de ces vignobles n’était point fortuit, il apaisait rien que par le regard les amplitudes de cette anxiété qui malmenait mon esprit depuis les altitudes, détendait mes attitudes, couvrait ma fébrilité latente de tendre humilité. Dans l’admiration tacite, mon âme célébrait l’ingéniosité, plus, l’art dont est empreinte la configuration de ces arbustes sur cette pente peinte de vert que nulle fente ne semblait avoir été ciselé depuis que la masse de terre avait jailli de la terre avec le cycle tectonique. Malgré cette tranquillité qui emballait la tendre matinée avec mes pas trottinant dans la solitude que je me suis octroyée pour inhaler la fraîcheur ambiante que le vent transportait depuis le creux de la roche où se loge le lac jusque dans les hauteurs du firmament brumeux.

La beauté de lieu exorcisait ma pénitence, une exérèse lessivait ces caillots de tristesse, qui étranglaient mon bien-être. Mes yeux se saoulaient de l’immense vide, qui se déployait au-dessus de ma tête, de ces nuages pleins d’embonpoint qui mouvaient dans toutes les directions sous diverses formes comme taillés de la dextérité d’une main invisible afin de décorer le ciel ainsi qu’extasier de bonheur les âmes sensibles à la dimension infinitésimale du beau. Sur le sentier humide qui m’amenait vers la précédente gare avant Bossière, la rosée des herbes sur mon chemin humectait mes chaussures. Mes pieds étaient caressés par des branches insoumises à la discipline de leur pivot qui s’affalaient sur le tracé de mon parcours. Au loin, j’entendais bruire une rivière qui coule, un ruissellement sur la pierre, me semblait-il, agréable à entendre, traçant une raie dans la masse imposante que le silence s’était arrogé dans le temps matinal. Un friselis d’enthousiasme imprégnait mon visage d’un sourire presque inconscient qu’une esquisse de sourire détendit mes lèvres immobiles depuis j’étais sorti de la belle et aimable maison qui m’héberge depuis les hauteurs de Lutry.


Dans la banalité d’un son, quotidien, perçu dans l’isolement comme l’endroit par excellence où l’être se rencontre pour connaitre la substance dont est faite son essence, parfois, l’esprit se voit féconder d’un plaisir indistinct dont le bénéfice comble d’une satisfaction pleine le simple fait de vivre. Une révélation qui élucide le mystère d’être et de vivre. Ainsi, dans ce triptyque, je sentais croître une allégresse plus je me rapprochais de cette rivière dont le ruissellement émerveillait l’âme du poète que je suis. Dans une joie infantile, je courais à grandes enjambées, les mains en l’air comme célébrant un vif hommage à la manière des supporteurs d’une équipe dans un stade de football. Quand je m’arrêtai, essoufflé au bord de la roche, les flots indifférents continuaient de couler et, le ruissellement était plus que retentissant. Les eaux se coltinaient aux rochers enfouis dans le lit de cette petite rivière, elles s’embrassaient, se palpaient loin de toute indiscrétion, et ce bruit qui m’avait tant séduit me paraissait comme le fruit de cette passion et de ce désir incontinents qu’ils consommaient depuis que leurs deux destins étaient liés. Ils étaient dans la fécondation du fruit de leur intimité.


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