Un chat dans mon jardin...

Je venais de parquer la voiture devant la maison. L’énorme chat de gouttière que j’avais remarqué depuis une semaine rodait non loin de l’enclos. Je m’embusquais derrière le chéneau venant du toit pour mieux l’observer. Sa grosse queue velue se mouvait au gré d’un geste qui me paraissait instinctif que voulu. Devant la multitude d’oiseaux qui chantonnait dans la touffe d’herbe jouxtant la propriété, je l’aperçus rampant et tentant de se dissimuler, espérant en capturer un. Le spectacle était intéressant à voir, cette prédation pour la survie qu’exerçait cet animal me fascinait, l’utilité de la nature par elle-même pour constituer son existence pérenne. 
Le chat rêvait de viande d’oiseau pour se remplir l’estomac. Ainsi sous les fleurs, il rampait le ventre au ras du sol, son corps fondu dans la petite hauteur des herbes sauvages, freinant des fois, guettant ses proies chantant d’allégresse, ne sachant point que bientôt s’abattrait sur elles sa puissante détente. D’une vitesse éclair succédant à la lenteur de la prudence, le félin se rua sur un essaim d’oiseaux effrayés, qui s’envola à l’emporte pièces au sauve-qui-peut. Ses griffes retinrent une boule de plumes. Une masse de chair et des plumes se fit sentir quand il finit atterrir après son impressionnant saut.
Ce n’était qu’un oisillon pris au piège, qui couinait entre les griffes du félin, ses pères et ses mères tourbillonnaient, impuissants, et par solidarité au-dessus de la scène lugubre et sinistre où les crocs de l’animal infiltraient la frêle viande de l’hirundinidé, qui avait peine à se débattre. 
Je regardais la bonhomie de ce chat qui sévissait sur les paisibles oiseaux en me disant qu’il avait de la chance de vivre dans un pays où il avait des droits…mieux, il avait des gens, qui étaient prêts d’envahir les rues pour lui revendiquer une panoplie de droits.
En Afrique, ses congénères sont qualifiés d’une malfaisance naturelle, il paraîtrait que les mauvais esprits adorent s’incarner dans leurs corps, ainsi, ils sont accusés d’être des vecteurs de sorcellerie et de sortilèges maléfiques. Depuis un certain moment, avec les générations se renouvelant, d’autres mœurs ont jailli même dans les habitudes culinaires : la viande de chat a trouvé des adhérents… mieux, des fanatiques qui ne juraient plus que par elle, comme étant la meilleure de toutes celles qu’ils ont eu à consommer. D’ailleurs, je me souvenais de mon ami ingénieur de surcroît, qui se faisait un vrai plaisir d’organiser la traque discrète des chats errants qui pénétraient dans sa parcelle avec des pièges mortels. Quand il pouvait en attraper, avec un réel plaisir, il se livrait à épicer l’animal après l’avoir dépecé complètement avec une pâte d’oignons, d’ail et de gingembre ; il laissait le temps de macérer puis faisait griller au four pour le manger accompagné d’une bière bien fraîche.

Je pensais que s’il avait été avec moi sur les hauteurs de Lausanne, probablement, il aurait proposé de s’en prendre à ce chat moelleux qui se promenait avec aise dans mon jardin. De la chance, ce chat en avait de vivre dans cette contrée du globe où des droits lui étaient bien reconnus, et il y avait des hommes pour en assurer la défense. Autre coin, autres mœurs!

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