Refaire la vie à Lausanne...

Les magnolias avaient fleuri avec le soleil, dehors il faisait beau, la lumière se voyait ondoyante sur la surface du lac. De la fenêtre de la mansarde que j'occupe depuis une semaine, la masse montagneuse des Alpes françaises s'affiche imposante, belle, rocailleuse, enneigée et silencieuse. Mon regard de chaque matin se pose sur elle, et toujours, j'ai la nette impression que nous échangeons des mots, plus, c'est elle qui me susurre des mots. Je reste de longues minutes à l'écoute d'une sagesse millénaire que me content ces montagnes surplombant le lac Léman, comme à un enfant à qui sa mère raconte des contes et des légendes avant qu'il ne se laisse bercer dans les bras de Morphée. Devant l'impérieuse majesté de ces grandiloquentes montagnes, je me sentais bien petit, bien calé dans mes petites chaussures d'homme devant la pérennité pleine de silence et de modestie qui transparaissait de sa prestance tacite. 

Je contemple le monde se mouvoir au bas de mon immeuble, entends aussi des voix dans la rue croître, un vent doux soulève mes rideaux quand j'écarte les deux battants de ma fenêtre, une fraîcheur suave chasse l'odeur du papier ranci qui y avait élu domicile – tout dans la pièce semble respirer dans un soupir rempli de soulagement. Même mon corps s’extasie dans une certaine jouissance d’une liberté ré-conquise, la beauté et le charme du jour m’ont séduit jusque dans les entrailles, ils ont inséminé une indicible paix. J’ ai eu subitement l’impression que la vie me prenait dans ses bras, m’aspergeait de sa sève, faisait germer le désir de palper le destin de mes mains afin d’en dessiner les contours. Débout face à la montagne dont les facettes mutiques me regardaient, j’entendais marteler le même message. 

Un seing de ténacité marquait la fermeté de mon regard devant l’immensité des défis qui désormais était mienne. Ré-écrire la vie, reconstruire les amitiés et la confiance, puis poursuivre la destinée selon ses passions et ses aspirations, être accepté dans ses qualités et ses défauts, se ré-créer son micro-monde indispensable autant qu’un écosystème : une indispensable et laborieuse voie pour ré-exister. j'espère renaître, reverdir comme ces plantes à qui le soleil infuse une régénérescence avec la température montante, la mienne température ascendante serait ces amabilités qui me tendent la main en toute confiance en tant qu'homme, afin que se revêtît d'un sens cette existence que je tentais de refaire dans leur contrée. 

De ma fenêtre, j'observe la montagne qui s'était étendue depuis la nuit des temps, bien à sa place, remplie de cette silencieuse force, observant les hommes construire la vie à ses pieds dans les villes d'Evian et de Lausanne. Lausannois je le suis depuis que j'avais traversé les frontières de la nation helvétique...les circonstances m'y avaient contraint presque. Il fallait survivre loin de la terre de mes aïeux entre les mains de flibustiers, pirates des temps modernes qui l'ont arraisonnée pour en faire un géhenne. Les cris des femmes et d'enfants qui en émanent ne semblaient plus émouvoir, ils se dissipaient dans les airs. 

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