Le matin, de Lutry à Lausanne...
De ces pentes verdoyantes,
escarpées, maîtrisées de la main de l’homme, poussent des vignes à perte de vue, des fentes cisèlent la roche
sur laquelle est bâtie Lutry, qui surplombe le lac Léman comme ses jumeaux, les
autres quartiers constituant la ville de Lausanne. Difficile de ne voir la nuée
depuis les hauteurs où s’étendent des vignobles, elle est présente, d’une
présence douce et tendre au-dessus des eaux et des collines luisant d’un éclat
bien verdoyant avec ses feuilles de plantes bien humectées de rosée ou de fine
pluie. Les heures de la matinée sont belles, bien couvertes de charme, de
fluorescence qui caressent les yeux, infusant un plaisir du regard que le
visage en porte les traces par un enthousiasme que l’esprit ne sait justifier.
C’est ainsi que se lève le nouveau jour à Lutry, de la fenêtre ouverte de ma
chambre, la lueur s’infiltre, douce, feutrée, remplissant de sa luminescence la
pénombre de l’aube qui s’évanouissait comme à pas de tortue. Le silence est
encore omniprésent dans toute la maison ; le quartier en est aussi imbibé,
quelques gouttelettes venus d’en haut troublent légèrement sa quiétude, parfois
des vrombissements tonitruants déchirent l’instant d’une seconde sa carapace. En
contre bas de la maison perchée au-dessus des vignes, il s’entend le ronflement
strident et fin de la chenille de fer qui traverse l’inexorable paix des
vignobles de part et d’autre de sa voie. Une certaine mollesse semble répandue
sur le temps, la chaussée devient peu à peu fréquentée, les engins commencent à rugir du chantier où se font
réparer les câbles électriques de la contrée. À la gare de Bossière, quelques
personnes affluent, s’alignent dans un désordre attentif, au loin il s’entend
retentir le sifflement de l’inter-régional qui va prendre des passagers. Les
freins couinent sur le rail, les rames s’arrêtent, les portes s’ouvrent après
pression des boutons, le quai se vide, juste deux personnes descendent. Le lac
s’aperçoit bien imperturbable, sa surface est bleue, le bleu du ciel s’y affale
comme pour en faire son amant éternel pour une idylle pérenne bien que le
mariage parait plus qu’improbable. La nuée est prépondérante couvrant les
sommets dissous sous sa cape. Dans le train, le silence continue de tendre ses
tentacules, son onde parcourt chaque rame comme pour posséder les instants et
les hommes, sauf le moteur de la locomotive qui résiste à sa force silencieuse,
emballant dans sa prépotence tout ce qui semble être. Lausanne est pour bientôt
après la conversion et Pully Nord, je devrais prendre le bus pour aller à
Cully, peut-être que je passerai voir aussi à Mathilde à Chailly, mais je serai
d’abord au bord du lac à Dorigny, respirant cet air frais au-dessus des eaux
lacustres caressant la berge avec des vaguelettes douces comme cherchant à
amadouer le sable de la plage. Pensif un moment, je me ressaisis dès que la
secousse transperce mon calme m’avertissant que le train s’était arrêté. Dans la
cohorte des pas empressés, je sors et m’engouffre dans le souterrain remontant
vers la sortie principale, qui, comme à l’accoutumé, est bondé de monde mirant
les horaires des trains sur ce grand écran pendu au mur, les bancs sont comblés
de gens attendant, on se croise en toute indifférence déjà plongé dans la
dynamique de ce que nous avions prévu le jour que nous devons posséder. De Lutry
à Lausanne, le voyage m’a toujours plu le matin et tard le soir.
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