Avec Beni, je crie ma colère...

De leur fer aiguisé et dentée, dans une indicible rage, leurs oreilles n’entendent point les râles de ce désespoir avant que la mort n’apaise les souffrances horribles de leurs victimes, mes compatriotes, dont les gerçures pendent sanguinolentes le long de leurs corps déchiquetés ; le regard perdu dans l’effarante lumière  d’un trépas inopiné qui les embrigade avec poigne dans son lugubre monde. Des supplications retentissent sans que le massacre ne soit infiltré de quelque compassion, bien au contraire la persécution se fait plus horrible que jamais et les morts ne font que se multiplier dans un résultat macabre exponentiel. Le sol sent une indigestion de ce flot ininterrompu de ce sang innocent qui infiltre ses entrailles, le vent se plaint d’infecte odeur qui se lie à son courant, la terre est stupéfaite des lambeaux de chair qui souillent la quiétude de ses profondeurs, la vie est pétrifiée de ce silence lourd sur la langue de ce chef qui en a fait une tour derrière laquelle se cachent son mépris et sa roublardise contre la dignité de cette nation que Césaire évoque, la couvrant ainsi d’opprobre et de bassesse.
Le sens de l’honneur a été crucifié sous la lumière d’une ascension sociale faite d’abjectes flatteries, d’éloges teintés de mots savants afin d’encenser d’une gloire inique l’ignoble et piètre individu que le destin du pays a eu la malchance de rencontrer, un trouillard obéissant aux doigts et à l’œil aux ordres que lui intiment ces maîtres depuis leurs officines dans ces bâtisses en béton titillant les hauteurs comme pour défier les étoiles pendant dans le ciel, un tueur à gage exécutant dans une parfaite exactitude le sanglant plan que lui avaient assigné ceux qui l’ont adoubé, et chose incroyable, des bouches, pas de moindre, celles des intellectuels se font les ambassadeurs de ce crime à ciel ouvert qui endeuille les leurs en défendant le cynisme de ce régime favorisant  l’irrespect de notre prestige en tant que peuple.
J’entends dire démocratique quand l’essence de ce sublime mot s’infecte de malsaines intentions pour que triomphent l’idiotie et l’imbécillité livrant les corps et les âmes de nos compatriotes dans la plus grande boucherie de l’histoire du 21ème siècle, j’entends dire parti d’opposition quand tous ont trempé dans la paupérisation du peuple pour compter et vautrer dans des fortunes laides et inciviques, puis retourner casaque pour solidariser avec leurs victimes d’hier, ne jurant que sur leur volte-face dans le verbe pour sympathiser avec ce peuple qu’ils ont si bien desservi dans leurs passions du lucre. 
Enfin des voix s’élèvent dans la bâtisse en béton, don du peuple jaune et de son timonier, pour faire entendre un simulacre de liberté d’opiner et d’exprimer les mots qu’inspirent les soubresauts meurtriers qui saignent des vies, détruisent des rêves, falsifient les destins, tordent les espoirs, séparent des familles, violentent les intimités tant masculines que féminines, éviscèrent des fœtus depuis les ventres de leurs mères, broient dans l’indifférence notoire la dignité humaine en lui réservant le pire des traitements qui passe par l’administration épicée d’une souffrance physique avant que mort ne survienne. Ainsi la mort devenait une délivrance afin que les âmes trouvent enfin une paix. Celle que le gouvernement n’a su leur offrir que dans la promotion de la prolifération d’une insécurité intemporelle. Beni, terre bien aimée, avec toi j’accuse ces potentats dont la mollesse d’action et l’incompétence te font payer un lourd tribut, une triste comptabilité macabre ; avec toi, je ne pleure pas mais je crie toute ma colère contre ces complicités tacites afin que ton sang coule sans désemparer. 

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