Un auteur de mauvaise foi...
La tête lui prend, il s’en rend
compte. Ses yeux lorgnent le texte sur la table. Les erreurs contenues dessus
l’enchantent. Un plaisir débordant baigne ses lèvres dans un sourire
incontinent. Ses doigts frottent son menton, il se rassure d’être mieux que l’auteur,
même si sa façon d’écrire reste pas moins pertinente. Il mesure ses
connaissances en langue française en répertoriant toutes les fautes, du
moins, celles que son intelligence qu’il a toujours crue pertinente a pu
repérer.
Dans sa jeunesse, il a gagné le
concours d’orthographe de Charente-Maritime, son nom fit la une des journaux
régionaux, même qu’il participa à « Questions pour un champion », il
devint un modèle et une fierté pour les jeunes de son âge ; son père s’en
enorgueillissait à chaque rencontre avec ses amis, ne savait se lasser des éloges
que ne cessaient de lui faire les voisins. Il a écrit quelques romans, mais le
succès lui était toujours bien inaccessible, son oncle Bernard lui avait
négocié quelques passages à la télévision régionale pour faire décoller sa
carrière, mais en vain. Ses livres ont fini par pourrir chez l’éditeur et
vendus au rabais chez le libraire. Ses écrits s’en sont allés à vau-l’eau, ses
talents passés à la trappe.
Depuis Facebook est devenu un
outil de prédilection pour se faire un nom, un portail d’avant-garde pour
consoler ses insuccès, c’est là désormais qu’il gère sa carrière – du moins il
espère lui donner de l’envergure. Ses textes s’apprécient en des milliers de « j’aime »
à travers un lectorat éparpillé dans le monde entier, des commentaires y sont
légion ; même que des fois, il en reçoit des gens habitant les plaines
désertiques de l’Asie centrale, les descendants de Gengis Khan. Il est arrivé
qu’une fois qu'un interlocuteur ait comparé son style à celui de Nabokov, il s’en
suivit une discussion longue sur la littérature russe… tout cela finit par
remplir son être de confiance qu’un autre destin lui était possible, que son
nom n’a pas d’autre prédestination que celle de figurer dans une renommée littéraire
à promouvoir du virtuel au réel.
Sur Facebook toujours, fort de
son prestige sans cesse croissant, tout le plaisir lui semblait bien exclusif,
un égoïsme remplissait tout son être, en censeur donc il sévissait sur les
autres ayant la même prétention que la sienne, ces mots étaient rêches pour
critiquer. Une folle allégresse comblait son âme quand il pouvait conduire son
interlocuteur à l’humiliation, publique, comme dans une arène sous les ovations
de ses aficionados. Sa page comme écrivain ne cessait croître en nombre d’adhérents
et, il était convaincu que cette fois il ne manquera pas de faire parler de lui
en vrai, rien qu’avec ses talents sans l’aide de personne. Il rêvait déjà de
voir les éditeurs se pressant de lui envoyer la multitude de contrats, des
journalistes se bousculant d’avoir une interview afin de révéler le phénomène
littéraire qu’il était devenu depuis l’univers virtuel. Enfin, il voyait la
dédicace qu’il mettrait sur son premier Best-seller « Ne jamais cesser de rêver,
ne dors point pour rêver, au contraire, réveille-toi et continue de travailler
pour que ton rêve soit réel. »
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