N'sumbu prie avec son gourou avant les élections...

Une prière s’élève sous le baobab, des mots indistincts se perçoivent de toutes ces bouches en mouvement presqu’au même moment, derrière la butte, les enfants lorgnent la scène un peu éberlués, les lanières de cuir sillonnent des dos perlés de sueur, une odeur de camembert semble sortir du sol humide où s'étalent toutes les chaussures avec les chaussettes enfoncées. Tous sont pieds nus trépignant un pavé argileux et mouillé. L’officiant de la cérémonie prend un égouttoir et y passe une potion chaude dans un contenant de l’herbe de marijuana ; la saveur se répand tendrement jusqu’à imprégner les narines des enfants. La pluie se met à tomber subitement, une passion rancunière germe dans le cœur des observateurs contre cette intempérie qui les empêche de vivre la plénitude de ce culte atypique. La nature a bâti une barrière. À côté de sa colistière attentive à tous les gestes de son ami, N’sumbu n’érige aucune  barrière aux instructions du grand-prêtre, qui, la parole haute et altière, parle sans hésitations à ses fidèles. Les attitudes en pareille circonstance sont rentières. Puis toujours dans le même élan,  il montre du doigt le ciel où le soleil se dissout dans les nuages pluvieux avec sa circonférence entière brillant d’un éclat vaincu.
D’un plumier décousu, un ongle long est tiré, le grand-prêtre qui le tient de sa main droite entame une longue séance d’incantations de là où il est assis sous le frangipanier. De ses lèvres charnues, des gouttelettes de salive sautent par intermittence jusqu’à mouiller les visages de fidèles les yeux fermés. La colistière de N’sumbu fronce les sourcils, le spectacle lui parait dégueulasse, ses yeux se ferment instinctivement, l’oiselier qui apporte des plumes sacrées à la secte sourit timidement.
Les palmiers s’agitent sous un vent doux qui entraîne les gouttelettes de pluie, les acolytes du chef se meuvent comme des palefreniers dont les bêtes doivent être tenus en laisse. Chaque fois que le gourou impose les mains sur la tête d’un fidèle, le concerné est secoué par une sorte de transe comme un acteur respectant la lettre d’une épistolière. Des hommes d’un air indulgencié fixent le tertre où se tient la chaire réservée à la prédication. Vêtu d’un sari et d’une djellaba à la fois, trempé de sueur collant sa peau jusqu’à dessiner ses puissants muscles pectoraux, après avoir été secoué par un rythme tonitruant de tambours et des maracas, le ton prégnant, le grand-prêtre se met à officier la messe sous les regards bêtifiés.
Ninga, ninga (une affirmation de la transcription exacte de  la parole venue des génies afin de marteler la conscience de la foule)…entend-t-on crier  de temps en temps une prêtresse vêtue en blanc de la tête aux pieds qu’il n’est pas possible de voir la couleur de sa peau ailleurs que sur son visage. La femme bouge sans cesse son regard de gauche à droite opinant à tue-tête les axiomes déclamés du haut de ce prétoire.
Immergé dans l’ambiance pleine de morbide sainteté, N’sumbu respire la plénitude de sa foi dans la prêche de son gourou,  son cœur se réjouit de chaque mot qu’il entend, qui vaut un grain semé dans le jardin fertile de ses croyances, le vide ne fait que se combler dans son esprit où la certitude est plus qu’évidente. Après avoir battu campagne avec les hommes pour s'attirer leur sympathie, il fallait en faire autant avec les forces de la nature dont le meilleur messager est M'fumu Ngwaku. Sa colistière sceptique n'avait d'autre choix que de le suivre dans cette démarche, car le chef l'avait souhaité.

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