Une voix d'ange que l'obscurité de la nuit n'a su avaler...(Beni)
Fondu dans sa sombre tristesse,
percevant de loin des grandes flammes derrière lesquelles se consumait le
village qui était leur, Madani restait planqué sous la broussaille avant la
clairière jouxtant la forêt. Des cris étaient encore perceptibles des blessés
qu’achevaient les miliciens venus des collines ougandaises longeant la
frontière congolaise. L’enfant ne disait mot, des larmes ininterrompues
roulaient sur ses joues, des spasmes secouaient son corps que le chagrin avait
conquis jusqu’à la plante des pieds. Dans sa mémoire défilaient les dernières
images de son père avant qu’il n’entre dans sa chambre après avoir fini ses
ultimes révisions des cours. La tendre bénédiction de sa mère qui l’avait ceint
en le recouvrant de ce drap doux de la tête jusqu’aux pieds. Les voix de ses sœurs, racontant les dernières nouvelles de leurs vies intimes qui accompagnèrent son
sommeil, meublaient aussi son désarroi d’où ne cessait de pleuvoir un torrent de
larmes sur un visage suant bien masqué par une indicible peur. De temps en
temps, son corps se crispait au milieu des herbes fraîches de la forêt
verdoyante de l’Est congolais, il serrait et entrecroisait ses doigts pour
revoir les insupportables scènes dont avait été empreinte la nuit, cette
horreur qui avait choisi de s’inviter dans leur paisible soirée dont la suite n’a
été qu’un enfer.
Ses vêtements bien trempés de
sang, quelques égratignures traversaient la peau de son corps tremblotant de frayeur, accablé
sous le poids de l’impuissance, que de nouveau un son nasal se faisait entendre
dans le tumulte de ce chaos des gens palpant la mort d’extrême douleur. Aucune
balle n’avait retenti, aucun canon n’a été chauffé, la mort a frappé froide les
vies sans désemparer toute la nuit, aucune personne du village n’a été épargnée.
L’arme blanche a été peinte de rouge. Le sang des victimes. Les femmes ont été
sorties du lit conjugal, livrées à la merci des miliciens qui se précipitaient
sur elles comme des fourmis sur une proie. Les pleurs des enfants ont traversé
le silence de la nuit pour que l’infamie cesse, mais malheureusement avec
entrain l’ignominie a été perpétrée. Son père a eu le crâne fracassé par une
hache dès que la porte de leur maison céda sous les coups de bottes d’Inkoranzinizi,
une rébellion ougandaise qui faisait de l’Est congolais son lieu de paisible
retraite et d’entrainement réel sur les populations congolaises délaissées par
un pouvoir évanescent. Sa mère et ses sœurs connurent le même sort que toutes
les femmes du village, ses propres yeux se souvenaient de chaque geste de cette
abomination qu’il aurait souhaité ne jamais voir, ni y assister et en porterait un si aigre souvenir toute la vie.
Malheureusement il avait été
convié par contrainte à regarder se commettre cet acte ignoble sur les siens
avec la menace qu’elles seront tuées s’il n’obtempérait pas. Emballés dans leur
orgie de chair et de sang frisant un cannibalisme médiéval, ils oublièrent un
instant l’enfant qu’ils tenaient en laisse, bien ivres de cette agonie cruelle
et concupiscente qu’ils imposaient à leurs victimes, celui-ci s’éclipsa sous la
pointe de pieds derrière la maison pour disparaître dans les immenses herbes où s’enfonçait
un sentier. C’est ainsi que le massacre
ne put l’atteindre.
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