La grande fille de la famille voisine...
Chouette ! Belle est la vie, les mouettes s’envolent,
sous la couette mes yeux s’ouvrent. De la girouette sur le toit, j’aperçois le vent qui souffle, il est fort. Les alouettes
défient le mauvais temps. Les gouttelettes de pluie mouillent le pavé,
fouettent le béton, s’infiltrent sans pirouette dans les profondeurs de la
pierre. Sous les tropiques, les cacahuètes s’enivrent de cette pluie de basse
intensité, car elle engraisse la structure des plantes, ce que me dit papa tout
le temps.
Le soleil brille avec parcimonie sur la courette, le ciel
est nébuleux, une brume au-dessus de nos têtes. Les parapluies se déploient sur
les trottoirs, les hommes vont et viennent, les essuie-glaces nettoient les pare-brises,
les feuilles se détachent des arbres à compte-goutte. Les oiseaux meublent les
instants des chansonnettes.
Sur la table du salon, maman sert un brouet chaud avant de
partir à l’école, une tranche de cancoillotte vient d’être avalée par mon petit
frère assis non loin de papa, la maison s’anime peu à peu, j’entends la voix de
la grande fille de la famille d’à côté, elle ne parle jamais lentement, elle
aurait du être modeste du haut de son âge : une catherinette, j’ai entendu
l’autre fois quand maman m’avait envoyé acheter de l’ail dans l’épicerie du
quartier. J’ai entendu des hommes parler d’elle dès qu’elle était sortie du
magasin, il paraîtrait qu’elle change des hommes comme je change des culottes d’après
ce que je compris de tous les charabias qui ne cessaient d’être débités à son
sujet.
Je prétextais traîner derrière les étagères en quête d’un
produit particulier quand l’épicier, en personne, m’interpella en m’ordonnant
de partir, je pense qu’ils avaient compris que je les espionnais. Je déposai la
gousse d’ail sur son comptoir et lui réglai la facture avant de disparaître. Depuis
ce que j’avais entendu sur la grande fille d’à côté, j’éprouvais une grande
compassion dès que je pouvais la rencontrer dans la rue ; elle a toujours
été gentille avec moi, me prenait entre ses bras pour me serrer contre sa
poitrine, je pouvais exhaler son odeur corporelle bien mélangée à ce parfum
suave, m’enivrai de la tendre chaleur entre ses seins où ma tête se retrouvait
par un heureux hasard.
Quand elle desserrait l’étreinte, je sentais un manque, un
besoin sur un plaisir que j’aurai aimé éternel ; alors je pensais à ce que
j’avais entendu d’elle chez l’épicier, cette facilité qu’elle avait de changer
les hommes. Je les enviais, ces hommes d’avoir été avec elle, d’avoir trempé
dans ces délices dont je percevais que des miettes, m’en voulais de ne pas être
né un peu plus tôt pour être de ceux qui pouvaient bénéficier de ses bonnes grâces.
Je regrettais l’enfant que je suis, incapable de solliciter vivre tous les
plaisirs que valait la grande fille de la famille d’à côté. La voiture gronda
dans la courette, papa était déjà au volant, il fallait partir, en route je
continuais de penser à la fille d’à côté.
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