La baignade des maigrichons dans les eaux à peine attiédies du Lac...

Un monde fou : Une multitude de gens à ne plus savoir compter le long du lac Léman, à Vidy ; l’été s’annonce avec cette température qui ne cesse de monter, avec cette chaleur embuant l’atmosphère. Le temps se détend et nul ne veut rater l’occasion d’en profiter. Même les oiseaux apprécient ces belles éclaircies, qui illuminent le ciel d’une splendeur soudaine et révélée. Les petites allées remplies de monde se voient au comble de leur utilité. Les corps dénudés s’exposent afin de s’extasier de la caresse du soleil. On en voit de tous les genres : couverts d’athlétiques muscles, faisant la fierté transparente des titulaires ; remplis de graisse jusqu’à devenir un embarras empêchant les détenteurs de se mouvoir à leur aise, puis les décharnés, sur qui il est presque possible d’un œil abusif de percevoir les embranchements sur les squelettes, un meilleur exemple pratique de ce que vaut l’anatomie humaine. Ces ombres squelettiques en tenue de bain s’agitent avec entrain sur la berge, une plongée dans les eaux semble alléchante, leurs attitudes ne démentent point la thèse, le moment y est plus que propice.
Plouf ! Plouf ! La surface de l’eau se fend, deux d’entre elles ouvrent le bal, d’autres se succèdent dans le même élan. Quelques vaguelettes embrassent timidement les pierres de la berge, maintenant des mains s’agitent au-dessus de l’eau devenue mouvante : elles s’éclaboussent par des claques en tapotant de part et d’autre soulevant d’énormes jets, qui finissent par retomber sur les visages des uns et des autres. La baignade des maigrelets s’effectue dans un lac qui n’affiche que 13 degrés, un froid léger  capable de crisper les poumons jusqu’à leur infliger une pneumonie bénigne d’abord, qui peut finir par devenir grave si elle n’est pas vite pris en charge.
Les gringalets nagent, font des longues brasses qui les propulsent encore bien loin sur le lac.  On ne voit plus que des petits êtres entrain de se débattre avec les mains pour se maintenir hors de l’eau. Des acclamations se prononcent depuis la terre ferme pour les encourager à plus d’efforts, apparemment ce qui parait comme un jeu devient presqu’une compétition. Les acteurs s’y prêtent à cœur joie. Des cris s’enchaînent ; dans l’eau, les bouches bien ouvertes, les thorax se meuvent sous l’impulsion de cette brasse. L’attention devient captive de cet instant improvisé, les visages plein de curiosité s’amassent à proximité du lieu, chacun se choisit son favori jusqu’à hurler ou siffler pour lui infuser une émulation. Les derniers mètres paraissent épuisants pour les concurrents, une certaine fatigue est perceptible sur leurs bras presque lourds à propulser les corps vers la ligne finale.
Les mains s’étendent pour tirer le premier maigre de l’eau, son corps laisse couler des longues files de gouttelettes glissant sur sa peau bien en place sur ses os, visiblement ses mains se frottent instinctivement, il tente en tout cas de se chauffer. Il toussote et tremblote aussi, vite, une couverture le recouvre pour qu’il soit au chaud. Il en fut de même pour ceux d’après. Une petite fille, à côté de son père, regarde la scène un peu stupéfaite qu’elle pose la question pour comprendre :
-          Papa, que se passe-t-il avec ces hommes enveloppés dans les couvertures en plein soleil ?
-       Bah ! écoute ma chérie, ces gens se sont pris pour des super-héros en allant défier la température de l’eau avec leurs corps bien aplatis comme des raies, voilà qu’ils ont attrapé froid jusqu’à l’os, des vrais idiots, dans son espèce la plus raffinée. Ils en ont eu pour leur compte et, la leçon leur restera pour longtemps, marmonne le père plein de satisfaction.  

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