St Laurent avant et Sacré Cœur après....

D'un œil triste semble le regard du célèbre Martin Luther King dont le portrait sur le frontispice de cette église est bien figé. Il regarde sur le cortège des protégés du collectif R qui s'en va bien loin de cette hospitalité sous conteste, désormais ils ont un lieu où les portes leur ont été ouvertes de bon cœur au nom de ce commandement sacro saint que contient le livre saint du christianisme: aimez-vous les uns les autres. La dernière nuit à l'église St Laurent, l'ambiance est enjouée et empreinte d'une légère consternation. Nous avons un mal latent qui nous cisaille l'esprit. Des voix se mêlent au silence de la nuit, des gloussements s’élèvent du coté de Amadou dont les mots à peine entendus et compris suscitent des contractions de thorax à ne plus finir, les poumons se contractent sans cesse, qu'il s'entend des rires vifs déchirant le calme que les heures tardives de la nuit imposent aux instants. Une canette de bière se décapsule, des gorgées s'avalent dans un bruissement suave, des galéjades se multiplient. 
Le lendemain l'obligation de se réveiller tôt, matinal, devrait être sans faille. Mais nous abusons de la nuit, comme si nous ne souhaitons consommer le plaisir de cette salle que nous occupons jusqu'à en avoir plein l'esprit. Un excès de plaisir qui ne lui enlèvera point un iota de ce qu'elle vaut comme bâtiment, ainsi nous avions rangé depuis le matin nos bagages: nos valises et nos sacs étaient alignés non loin de la porte jouxtant l'entrée. Nous pensions aux paroissiens qui percevront bien spacieux le lieu avec notre absence, eux avec qui nous entamions quelques fois des longues conversations parce qu'ils ne savaient vraiment que faire de leurs instants de communion fraternelle.
Ils nous manqueront certainement comme nous leur manquerons, sans vraiment se l'avouer. La nouvelle salle qui nous reçoit appartient à une paroisse catholique en pleine sécession avec une hiérarchie qui reste un peu insensible au sort cynique que fait subir l'administration suisse aux immigrés. " Saint Paul nous dit: faut obéir aux autorités et St Pierre dit qu'il vaut mieux obéir à Dieu qu'hommes, a dit le curé Gabriel Pittet de l'église du Sacré Cœur à la presse." Les réfugiés ont dit que la main tendue de cette église vaut une opportunité qui les empêche d’être ballottés de pays en pays au nom de ce processus de Dublin que combat le collectif R qui les héberge depuis plus d'une année afin de les soustraire au renvoi automatique vers le premier pays européen par lequel ils sont passés. Le curé de la paroisse est d'une convivialité extraordinaire comme il en manque à bien d'hommes d'église, une humanité qui semble en extinction en ce temps où tout se déprécie à une vitesse surprenante et la vie ne semble plus préoccuper les hommes, qui préfèrent lui témoigner une indifférence notoire, contaminant même les gardiens des âmes sur la terre: les prêtres. La paroisse du sacré cœur a une longue tradition d'hospitalité sous la direction de son curé Gabriel Pittet et de son conseil paroissial, car, bien avant que ce bâtiment ne soit cédé au collectif R, deux familles Roms y habitaient. Un bel exemple qui pourrait suggérer d'autres.

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