Ce monde qui me désespère ...

Je méditais sur l’historique de la haine, sa généalogie, pour savoir de quelle semence avait - elle - été faite pour inséminer l’esprit à son insu.
Dans les détours de mes réflexions assoiffées de cette vérité historique, la haine apparaissait dans mes rêves, au milieu de la nuit froide ; elle était une révélation douce, une entreprise de longue haleine et sournoise : des petits mots et des petits maux ont été inséminés avec la patience d’un laboureur de riz dans la vallée du Tibet. Sa maturité était lente et certaine, d’une admissibilité indéniable ne pouvant souffrir d’aucune contestation si ce n’est que de la part des gens foncièrement mal intentionnés contre sa croissance inouïe.
Sa bonhomie était rayonnante derrière le flou des imbroglios idéologiques, elle rêvait de surgir comme de la mofette de cette fente où la terre s’était rétrécie pour emprisonner la puissance du volcan : une irruption brutale et brusque.
Elle avait cru sous le soleil de cette langue pendue que nous exercions à tue tête au nom de cette passion du verbe ; elle avait séduit des lèvres avides de paroles afin d’ être usée avec autant de plaisir que de la friandise dans la bouche d’un enfant.
Elle s’est même planquée, bien incommensurablement juchée dans cette liberté d’expression si chère à notre ère, dont les uns en abusaient à bon escient avec une permissivité naturelle et stupéfiante pour la bonne cause, et les autres en usaient en toute tranquillité sous bon encadrement des limites à ne point dépasser : légalité de tous devant la loi, entend - t - on dire depuis les édifices publics assurant le strict respect des prescrits : des temples où l’inique se voyait revêtir d’une tunique de justice par la combinaison subtile de la sémantique et du lexique flouant les intelligences moins avisées dans une mathématique des vocabulaires où le tournis n’était point improbable.
Elle était le mal en sourdine de ce siècle, une maladie insidieuse malgré que se disait à cor et à cri l’impérieuse nécessité de pacifier le monde, en dépit de cette multitude de discours et des gestes secouant la sensibilité de nos âmes jusqu’à renverser le déséquilibre du désespoir, et laisser entrevoir la lueur apaisante d’une espérance à venir : cette petite flamme dans l’obscurité que l’on entretient dans l’espoir que le soleil apparaîtrait avant qu’elle ne s’éteigne.

Elle se tissait au fil des siècles grâce à la légitimité de certaines avanies que la modernité a su étendre depuis que son onde s’est faite impérative dans l’existence humaine ; considérée comme l’échelle de valeur sur laquelle la dignité de toute vie devrait se mesurer, et tous les humains devraient s’y arrimer ; ainsi d’autorité purement péjorative l’humanité fut divisée entre impies, croyants, sauvages et civilisés. 
Le monde n'était qu'une entreprise de haine où la convoitise se tissait derrière des prétextes fallacieux de bonne gouvernance et de droits de l'homme cachant bien des visées capitalistes, ça fait déjà un temps que je faisais partie des désespérés. Plus rien ne m'étonnait, sauf  la léthargie des peuples sur qui était expérimenté ce sinistre dessein.

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