Ta photo me rappelle tout ...

Ce n'est qu'une photo. Une image figée sur du papier, mais tellement vivante chaque fois que je la tiens. Mon cœur sent parcourir sa surface d'un flux de frissons comme un tsunami déterminé de conquérir chaque carré de la terre ferme. C'est sur du papier qu'a été reproduite une ère révolue de ton enfance. Bien conservée.
Ce n'est qu'une photo qui me rappelle à la fois la proximité de mon passé et l'improbabilité actuelle d'être l'oncle attentif que je fus à tes cotés, nos instants remplis de complicité où nous fondions dans le même âge, traversant les pentes escarpées par les eaux de pluie souvent en furie dans le quartier. Nous parcourions les rues et les avenues selon tes ordres et désirs, ta voix à peine audible bredouillant des mots à peine audibles avec les gestes plus qu'expressifs.
Ce n'est qu'une photo que je revois dans un détour impromptu à travers les notes du gribouilleur bien obstiné que je suis, ton visage rondouillet brillant d'innocence dans tes yeux marrons et d'un blanc éclatant comme la neige, ce regard vif et surpris à la fois par l'objectif immortalisant l'instant.
Ce n'est qu'une photo explosant la pertinence du présent et révélant la splendeur d'un passé récent, plein de fraîcheur dans l'arène du subconscient, non impatient d'être enseveli dans le lot d'heureux souvenirs, inoxydable par l'aura de la péremption frappant de son sceau chaque événement sur le cours de l'existence : ta voix fraîche, frêle, et douce remontait le temps à contre courant, elle était rétroactive, fécondant deux instants opposés sur la courbe linéaire de la vie.