Soliloque (53)...
Le St Petersburg bar,
un petit coin tranquille où se reposer au centre de Valence, avec une vue
imprenable du trafic devant l’entrée de la cathédrale à coté, attirant de
milliers de touristes de passage dans le quartier ; c’est le bar de Cata.
Alors le soir,
nous nous y retrouvions dans cette ambiance vespérale du centre ville. J’y étais
venu à vélo que je parquais contre la petite clôture en fer du parc jouxtant la
grande esplanade en face de la cathédrale. Autour d’une table, avec quelques
verres de bière, nous buvions en prenant des cacahuètes et des olives aussi. Un
air plein d’enthousiasme où nous échangions surtout et presque rien. Je parlais
à un couple dont les enfants étudiaient au lycée français de Valence. Ils étaient
gentils et aimables. Un moment, la femme regardait comme figée ma barbiche. Une
petite barbiche grisonnante pendant toujours au bout de mon menton. Un signe
que je laissais pour témoigner de mon âge sur mon visage glabre et éphèbe. Et
puis sa question tombait :
-Ta barbe est
grise même sur les joues ?me demandait elle avec une curiosité plus que dévoilée.
De l’intérêt pour ma barbiche, ça me surprenait un peu. C’était la première
fois que j’étais appelé à répondre de ma barbe et de ma barbiche.
-Non, sur les joues,
je suis sans poils et rien que le menton est velu, avais je répondu en souriant.
Et pour assaisonner l’instant, j’ajoutais en plaisantant : « Je
suis musulman ».
-Ah bon !exclamait
elle. Elle se retournait alors vers Irina pour lui conter l’inénarrable blague
que je venais de sortir.
À quelques mètres,
sur la chaise où elle avait posé son postérieur sensuel couvert de cette mini
jupe blanche et de cette blouse moulante noire, elle se retournait, sa
frimousse condescendante, et sans hésitations, sa voix sèche résonnait :
-Lui, musulman !
Directement, je romps cette relation, il me connait assez pour ne jamais l’être.
Une réponse
tranchante loin de toute blague. Elle s’adressait à moi, une mise en garde indirecte.
Une expression de supériorité dans cette volonté commune de vivre ensemble.
Elle avait le pouvoir de rompre quand la logique, la sienne, n’était point satisfaite,
et cela n’était point négociable Un extrémisme non loin de certains dans leur foi,
je pense.
N’est ce pas qu’elle
avait posé des conditions quand nous avions entamé notre idylle ? La religion.
Un sujet tabou chez elle. La religion catholique avait fait beaucoup de mal à
son pays durant la guerre civile et la dictature de Franco.
Depuis elle est athée,
bien que portant un prénom catholique. Je me suis toujours demandé : « pourquoi
ne l’a-t-elle jamais changé ? ».Elle, qui fait, souvent preuve d’une indépendance
d’esprit déconcertante : presqu’une négligence légitime que s’octroient ceux croyant mordicus avoir atteint le sommet de la raison et de la compréhension de
la vie.
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