Un homme en cavale:extrait de mon roman...

L’homme ne regarda même pas les pièces d’identité que je lui tendais. Il m’ordonnait de me déshabiller complètement pour une fouille. Un ordre bien embrassant au plus haut point. Des palabres me rappelant des souvenirs aigres. Heureusement le chauffeur avait fini de parler avec les piroguiers. L’un d’eux s’avançait vers le militaire en lui glissant discrètement une touffe de billets de banque. Le geste que son auteur voulait discret, ne fut qu’à la lumière de tous, car tout de suite le bénéficiaire se mettait à compter l’argent.
Quand il finissait, sa voix grondante se faisait entendre sèchement.
-Tu te moques de moi, lui criait-il sur cette berge où bruissait  la caresse des eaux sur quelques pierres visibles du fleuve scellant le caractère lugubre de cette obscurité. Il jetait les billets par terre et, m’agrippait par le col de la chemise. Il m’obligeait à m’asseoir à même le sol. Je sentais la hantise possédant tout mon corps malgré le calme que j’affichais.
-Il ne traversera pas, concluait le militaire. Il ne restera ici avec nous. Le piroguier ramassait humblement les billets du sol mouillé par les eaux. Il s’approchait de l’homme malgré sa colère et, ils entamaient une longue palabre dont je ne percevais que des murmures, de là où j’avais été obligé de m’asseoir dans l’herbe. Puis je les voyais revenir d’un air amical. Le modus vivendi avait été trouvé.

-Toi, lève toi et va t’en, me lançait le militaire avec insolence en m’assenant un coup de pied dans le train. Disparais que je ne te vois plus, ajoutait il en ricanant de mes gestes empressés. Il prenait plaisir à mes actes hâtifs pour m’éclipser de sa vue. Le piroguier me désignait au même moment la barque dans laquelle je devais prendre place. La vie n’était elle pas si précieuse à préserver au détriment de l’addiction démesurée que j’avais de mon amour propre. Cet amour propre et ma passion de bien faire mon travail qui me livraient dans les bras de l’incertitude de lendemains et de l’insécurité de vivre. J’étais désormais un homme en cavale. Je commençais mon exil avec une peine énorme dans le cœur, j’abandonnais ainsi tout ce qui avait fait ma vie. Surtout les miens que je n’ai vus sans vraiment savoir que c’était la dernière fois. Dans le noir, au milieu de cette pirogue, je ne pouvais m’empêcher de pleurer. Aussi invraisemblable me paraissait l’instant.

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