Soliloque(38)...
La porte s’ouvrait.
En face de moi, un monsieur un peu perplexe d’abord, son regard rempli d’égarements.
Je comprenais le défilé latent de ses questions inavouées. Normal, la majorité
des miens s’adonnaient à autre chose que la poésie. Ses yeux grandement ouverts,
il me demandait poliment
-Quieres algo ?
Petite question dont je saisissais parfaitement le sens. N’est ce pas que je m’appliquais
chaque jour comme un forcené à maitriser cette langue. Je voulais la maitriser
pas pour seulement communiquer, mais comprendre toutes les tournures afin d’en pénétrer
l’esprit.
L’homme m’attendait
répondre et, en une fraction de seconde, je lui articulais :
-Aqui,hay poesia ?Puedo
participar ?Je venais de parler en espagnol dans les normes et, sans hésitations.
Cette langue que j’apprenais étant natif de français dont je maitrisais du
basique au compliqué. Je l’exprimais avec assurance et sans gêne. Mais au fond,
j’avais un peu l’air humilié et embarrassé de parler souvent espagnol plein de fautes,
pire que les petits enfants.
Un sourire
instinctif apparaissait sur son visage. Une surprise qu’il ne pouvait cacher et, il s’écarta pour me
convier à entrer. À peine que je m’asseyais, échangeant quelques mots
imparfaits avec mes voisins ; le modérateur du récital poétique me faisait
signe. Une invitation à déclamer un texte. Je ne m’y attendais point.
Pris presqu’inattendument,
je me levais dubitatif. Lui faisant comprendre qu’il n’est possible que de le
faire en français .Mon avis, concernant cette différence de langues, était peu dissuasif.
Tout le monde semblait s’accorder à cette proposition.
J’avançais à l’estrade
face au public et, je m’asseyais sur un tabouret. Dans mon téléphone, il y
avait plusieurs textes de ces inspirations irrévérencieuses qui arrivent n’importe
où et comment. J’en choisissais un de bien lugubre.
Alors je m’étais
mis à déclamer mon texte dans un silence absolu où les diphtongues retentissaient,
des tons coïncidents s’embrassaient aussi ; et les regards immobiles me
miraient avec admiration mutique. Je voyais comme un doute s’émoussant dans l’air
du temps et, libérant l’enthousiasme au nom de cette passion commune qui nous
avait réuni : la poésie.
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